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Vol 10 no 3, décembre 1999

TABLE DES MATIÈRES

 

 

Vol 10 no 3, décembre 1999

 Mot de la présidente

 Cahiers Disponibles/Coupon cotisation

 Le Coin des Échanges

 Soeur Marguerite Coormier

 Lettres à l'évêque de Québec

 Liste de Membres

 

 

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MOT DE LA PRÉSIDENTE

 

Bonjour!

 

Une autre année se termine déjà et en plus nous allons commencer un nouveau centenaire, un nouveau millénium. Que nous amènera-t-il? Saurons-nous ne pas répéter les erreurs que nous avons faites par le passé? Le temps nous le dira et ceux qui prendront la relève pourront nous l'apprendre dans les Cahiers à venir.

 

Nous tenons à remercier le Père Maurice A. Léger pour sa contribution dans ce Cahier. Nous espérons que vous apprécierez l'article qu'il nous a préparé et que nous serons les récipiendaires d'un ou d'autres articles dans un avenir rapproché.

 

Nous prenons l'occasion de vous souhaiter à tous et à toutes de très belles fêtes de Noël et une Nouvelle Année, un Nouveau Centenaire, un Nouveau Millénium rempli de bonheur, santé et prospérité. Sachons apprécier ce que nous avons et remercier CELUI de qui tout nous est donné.

Patricia Utley Présidente

 

 

Marie Cormier (1850-1939)

Soeur Marguerite Cormier, Hospitalière de Saint-Joseph

 

Ce serait difficile de dénombrer toutes les Acadiennes qui ont consacré leur vie comme religieuses. Nous savons qu'avant la Déportation de 1755, la congrégation Notre-Dame avait un couvent pour jeunes filles à Louisbourg de 1724 avec l'arrivée de Sr Marguerite Roy jusqu'à la chute de Louisbourg en 1758.

 

Nous connaissons les noms de plusieurs jeunes filles acadiennes qui devinrent religieuses dans différentes communautés de la Nouvelle-France avant 1755.

 

Avant le rétablissement des communautés religieuses en Acadie en 1856 avec le retour de la Congrégation Notre-Dame à Arichat nous savons aussi que quelques rares Acadiennes allèrent au Québec pour devenir religieuses.

 

Une de ces braves jeunes filles à s'expatrier de l'Acadie pour devenir religieuse fut Marie Cormier de Memramcook. Elle était le huitième enfant et la troisième fille de David Cormier né le 23 février 1812 à l'Anse-aux-Cormier de Memramcook, fils cadet et le 17° enfant de Pierre (à Pierre à Pierrot à Nannette à Pierre à Pierre à Thomas à Robert) Cormier et d'Henriette Léger née vers 1813 à Memramcook, fille de Pascal (à Joseph à Jacques à Jacques à Jacques) Léger. Les parents de Marie, David Cormier et Henriette Léger se sont mariés à Memramcook

 

le 7 janvier 1834.

 

Dans la nécrologie de Marie Cormier, conservée dans les archives des Hospitalières de Saint-Joseph de Montréal, ses racines acadiennes sont soulignées :

 

« Il coulait dans ses veines, du sang acadien, le sang de ce peuple qui se remit debout si vaillamment, après le drame sans pareil du Grand Dérangement ». Son arrière grand-père n'avait que 8 ans, lorsque les anglais arrachèrent tout un peuple prospère des rives d'Acadie pour le disperser loin de ses foyers. Il put heureusement se cacher dans les bois avec « sa maman », et  échappa ainsi à la déportation, ce crime affreux Où le père et le fils, la fille et sa mère L'amante et son amant, l'épouse et son époux Exilés, se cherchaient sur la terre étrangère En des sentiers,  souvent parcourus à genoux ».

 

Monsieur Cormier, le père de ma sœur Marguerite, en refit maintes fois l'émouvant récit aux chers petits, qui, blottis près de lui, le coeur gros, buvaient chacune de ses paroles …

 

Le ciel avait déposé dans son berceau l'inestimable don d'appartenir à une famille très chrétienne où les enfants grandissent « ainsi que des rameaux autour de la table domestique ». Qui de nous, tournant ses pensées vers la maison qui la vit naître, vers les visages chers qui furent les premiers à l'entourer dans son enfance, et de là, remontant les années, n'éprouve le besoin d'attribuer tout ce qui peut se trouver de bien en elle, à une mère vertueuse, à un bon père, tous deux fidèles à leur mission.

 

La famille Cormier demeurait à deux milles de l'église. On faisait très souvent la route à pied, et jamais, beau temps, mauvais temps, on aurait manqué la messe du dimanche. »

 

Les deux familles paternelle et maternelle de Marie ont été délogées des régions de Beaubassin et de Petitcodiac pour fuir ou pour faire la résistance aux Anglais afin de, finalement s'installer dans la vallée de Memramcook à l'Anse-aux-Cormier à la tournure du 19e siècle à quelques kilomètres de l'église paroissiale de Saint Thomas qui eut un curé à partir de 1781.

 

La maison que David Cormier a construite en 1850 a l'Anse-des‑ Cormier où Sr Marguerite est née. La maison existe encore dans la famille Cormier Marie fut probablement née le 16 décembre 1850 dans la maison familiale construite la même année et probablement baptisée peu de temps après par le curé Ferdinand Gauvreau (les registres paroissiaux de cette époque n'existe pas).

 

Marie aurait fréquenté la petite école du village seulement deux ans. Le Père Ph. F. Bourgeois raconte l'ambiance de celle-ci lorsque son frère Honoré qui avait trois ans de plus que Marie la fréquentait :

 

Dans cette école, le temps se passait à infliger des punitions qui faisaient pouffer de rire et amusaient grandement ceux qui n'étaient pas punis. Tantôt il fallait se tenir debout sur un pied, tantôt aller au cachot de suie, en prison ou bien mettre la calotte de papier et aller saluer tout ce qui passait dans le chemin, hommes ou animaux. »

 

Ce n'est donc pas surprenant qu'elle fût illettrée mais quand même, devenue adolescente elle entendit l'appel à la vocation religieuse, ce que raconte sa nécrologie :

 

Elle avait un cousin au Séminaire de Québec qui, ayant passé une vacance à Memramcook, lui dit un jour : « Toi, tu devrais entrer au couvent ». Mais, laissons la parole à notre regrettée disparue qui, une semaine avant sa mort, racontait ainsi à la soeur veilleuse, l'histoire de sa vocation : « Moi, faire une sœur ! que je lui répond, je n'en ai jamais vu de soeurs... puis, faudrait aller bien trop loin » - « On va où il y en a, » reprit gravement mon cousin. - Je ne pouvais pas me chasser cette phrase-là de l'idée. Je sentais que c'était Notre Seigneur qui me la disait comme il avait dit : « Pierre suis-moi ». Et à Matthieu : « Toi, viens t'en avec moi ». Mais, je n'avais jamais voyagé, je n'avais pas 20 ans, ni papa, ni maman, ni personne ne voulait en entendre parler. Je n'en parlai plus et j'attendis. »

 

Qui était ce cousin, car elle en avait deux qui devinrent prêtre, Philippe Belliveau, né en 1851, fils de Joseph et Modeste Cormier fille d'Ignace, le frère de son grand-père, Pierre Cormier, qui entra chez les Jésuites et fut ordonnée le 29 septembre 1883 où bien Francois-Xavier Cormier, né le 27 février 1846, dans la maison voisine de Marie, fils de Benoni et de Marguerite Cormier (Benoni était le fils d'Ignace et un frère de son grand-père Pierre) ; il fut ordonné le 28 août 1870 après un cours classique à Sainte-Anne-de-la-Pocatière et des études théologiques au grand séminaire de Montréal. Je serais de l'opinion que le cousin qui influença la vocation de Marie fut ce dernier.

 

Je m'appuie sur le témoignage du Père Ph. F. Bourgeois c.s.c., qui nous dit que :

 

Bénoni Cormier était construit... sur un lot voisin de David Cormier... il se voyaient tous les soirs, et c'est David Cormier qui se rendait chez son voisin... les deux pères de famille discouraient sur les sujets d'actualités, c'est-à-dire sur ce qui se passait ou se disait au village [tandis que] les enfants s'amusaient ferme, au coin de la cheminé. »

 

Dans sa nécrologie chez les Hospitalières est rapporté le témoignage des circonstances et des événements de son départ :

 

« L'année suivante, un monsieur de St-Hyacinthe qui avait trois filles religieuses, vint passer quelque temps chez nous et dit à mes parents : « Si elle veut faire une soeur, vous ne devez pas l'empêcher ; je l'emmènerai à mon départ et m'en occuperai comme de ma fille. » Mon père pleurait, mes frères, mes soeurs pleuraient, je pleurais mois aussi, et ma mère elle, ne faisait pas seulement pleurer elle ne voulait pas du tout. J'ai bien prié la Ste Vierge et je vins à bout de la faire consentir. »

 

Dans une autre nécrologie publié dans L'Ordre Social (18 juillet 1939, p.6) nous pouvons voir les sentiments et le déchirement du départ pour le Québec. Puisque le chemin de fer n'était pas encore complété pour relier le Québec au Nouveau-Brunswick, Marie Cormier vers 1869 à l'âge de 19 ans, s'embarquait à Shédiac sur le bateau qui devait la conduire à Montréal. Voici ce qui est rapporté dans le journal :

 

Ses parents et une foule d'amis firent le trajet de Memramcook à Shédiac pour dire un dernier adieu à la jeune fille. Il faut dire que c'était alors une chose tout à fait extraordinaire de voir une jeune Acadienne partir pour si loin ; si extraordinaire... en effet, que les gens se disaient tout bas à l'oreille que la jeune fille avait perdu la tête. La pauvre enfant n'était pas sans se douter des commentaires que l'on faisait sur son compte. Mais elle ne se laissa pas décourager pour si peu. Née d'une famille profondément religieuse, elle avait appris dès sa plus tendre enfance que le véritable amour de Dieu est basé sur le sacrifice. En répondant à l'appel divin qui l'appelait à quitter ses parents, ses amis, son Acadie, elle sacrifiait ce qu'elle avait de plus cher au monde. Tels étaient la force, le courage, l'énergie et l'esprit de sacrifice de nos ancêtres. Quel bel exemple pour notre jeune génération - pour nos jeunes filles modernes, qui souvent n'ont pas le courage de sacrifier trois ou quatre jours par an pour aller chercher dans le silence de la retraite fermée la vocation à laquelle Dieu les appelle. »

 

Elle était accompagnée pour le voyage de ce monsieur de Ste-Hyacinthe qui avait « trois filles religieuses » probablement chez les Soeurs Grises et c'est là qu'elle aboutit en premier pour aller ensuite chez les Hospitalières de Saint-Joseph à l'Hôtel-Dieu de Montréal. Voilà comment est rapporté son premier choix :

 

Monsieur X. me conduisit d'abord chez les Srs Grises, puis à l'Hôtel-Dieu. Mère Pagé, alors supérieure, me dit : « Venez passer quelque temps avec nous pour connaître notre oeuvre ». - « Bien, ma mère, les Srs Grises m'ont dit « pareil » ; je vais aller là d'abord, si ça ne fait pas, je m'en reviendrai ici ». Les Srs Grises m'envoyèrent à Chambly. (L'Hôpital Saint-Joseph venait d'être pris en charge par les Soeurs Grises le 22 avril 1869 note l'auteur). On m'employa à de très gros ouvrages. Il y avait 5 mois de cela, on ne me parlait jamais de mon entrée au postulat, je m'ennuyais à mourir et je n'avais qu'une idée fixe : revenir à l'Hôtel-Dieu. Ayant eu l'occasion d'accompagner une soeur à Montréal, je vins à l'Hôtel-Dieu « pour y rester ». Mère Pagé me dit : « On ne part pas comme cela, ma petite fille : vous allez retourner à Chambly chercher votre linge ». Je me mis à pleurer à sanglots : « Gardez-moi ma bonne Mère, j'ai trop peur qu'on ne me laisse jamais partir et j'étais trop malheureuse »... La Mère Pagé était si bonne qu'elle m'admit tout de suite au noviciat ». »

 

Elle se consacra (définitivement) à sa vie religieuse chez les Hospitalières en entrant au noviciat le 5 février 1871. Elle a ensuite pris l'habit d'une soeur converse de la communauté c'est à dire une soeur qui dans un monastère se consacre aux travaux manuels. Elle fit sa profession perpétuelle le 6 juin 1873 et à sa mort elle aura passé 67 années et 5 mois dans le service du Seigneur sous le nom de Soeur Marguerite, r.h.s.j..

 

Au moment où elle entra en communauté à Montréal en 1871, il y avait en Acadie la Congrégation Notre-Dame déjà établie à Arichat en Nouvelle-Écosse depuis 1856 et à l'Île-du-Prince-Édouard depuis 1857 à Charlottetown, depuis 1864 à Miscouche et depuis 1868 à Tignish. Au Nouveau-Brunswick, elles étaient à Newcastle depuis '1869 mais elles n'étaient pas encore à Saint-Louis-de-Ken n'étant arrivées qu'en 1874. La première religieuse de leur communauté fut Émilienne, fille de François Maillet et de Marie Babineau née en 1836, religieuse en 1868 et décédée en 1871.

 

La première mission des Hospitalières de Saint Joseph en Acadie fut auprès du Lazaret de Tracadie en 1868 et c'est le curé Ferdinand Gauvreau qui les accueillies dans sa paroisse. Il est le même prêtre qui aurait baptisé Sr Marguerite née Marie Cormier à Memramcook 18 années auparavant. Lorsque Marie Cormier parti pour Montréal, le curé de sa paroisse natale était le Père Camille Lefebvre, c.s.c., qui avait remplacé François-Xavier Lafrance en 1864.

 

Les Soeurs de Charité de l'Immaculée-Conception avait été fondées en 1854 à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick et en 1857 elles avaient une deuxième fondation à Saint-Basile, mais ce n'est qu'en 1873 qu'elles établiront leur couvent à Memramcook. L'année suivante Sr Marie Léonie des Marianites de Saint-Croix arriva à Memramcook pour seconder le Père Lefebvre dans son Collège Saint-Joseph. C'est là. de 1877 à 1880, que celle-ci fonda les Petites-Soeurs de la Sainte-Famille.

 

La soeur Marguerite restera à Hôtel-Dieu à Montréal pendant le reste de sa vie de religieuse à l'exception d'une année de 1875 à 1876 quant elle fut assignée avec deux autres religieuses pour relever les soeurs Descôteaux et Brissette, deux des quatre fondatrices avec soeurs Davignon et Guérin qui avaient établies la troisième mission des Hospitalières en Acadie le 4 octobre 1873 à Saint-Basile au Madawaska (après Tracadie en 1868, la deuxième fondation fut Chatham en 1869). Ce début fut difficile et frugal et Sr Marguerite qui arrive en septembre 1875 ne se plaît pas.

 

Après même pas une année de privation à Saint-Basile voici comment Sr Georgette Desjardins raconte son départ ou sa «disparition » de son obédience au Madawaska:

 

« La petite communauté de Saint-Basile demande donc encore des soeurs pour remplacer les soeurs Harty et Thériault qui, à la mi-juillet, retournent à Montréal pour finir leur temps de probation avant leur profession religieuse. Ce même jour, on remarque la disparition de soeur Marguerite ; les recherches pour la retrouver s'arrêtent lorsqu'un télégramme de Montréal informe que la soeur est rendue à la communauté mère. Elle avait succombé à l'ennui ! En une même journée, la communauté de Saint-Basile se retrouve réduite de trois soeurs. »

 

Hors cette escapade connue, Sr Marguerite oeuvra assidûment aux tâches manuels de ce vénérable Hôtel-Dieu de Montréal qui avait été fondé en 1642 par Jeanne Mance au compte de Jérôme Le Royer de La Dauversière qui en 1636 avait institué cette congrégation de religieuses de Saint-Joseph spécialement pour donner naissance à l'Hôtel-Dieu de Ville-Marie. Après trois incendies au lieu primitif de sa fondation sur la rue Saint-Paul un nouveau complexe fut construit en 1861 au Mont Sainte-Famille sur le versant nord du Mont-Royal. Le nouvel hôpital en plus d'avoir un département spécial pour les prêtres malades contenait au tournant du 20e siècle des lits pour 250 malades et recevait 2500 pauvres par année qui étaient soignés, une trentaine d'orphelins qui étaient gardés à partir de 1887, et un dispensaire où 600 personnes étaient traitées annuellement pour les maux d'yeux, d'oreilles et de gorge. Le nombre de pauvres secourus gratuitement était de 3,800 par année. Il y avait 80 employés et une cinquantaine de religieuse pour les divers besoins de l'établissement.

 

Après deux années à la buanderie, soeur Marguerite oeuvra presque le reste de sa vie dans la cuisine au retour de Saint-Basile. Voici comment la nécrologie de la communauté décrit son apostolat :

 

Elle se met à l'oeuvre avec son ardeur d'acadienne... « On travaillait bien fort dans ce temps-là, racontera-t-elle. Après ma profession, je passai deux ans à la buanderie de l'hôpital et il arrivait parfois qu'on se levait à 2 heures du matin. »

 

Caractère trempé aux sources traditionnelles du travail, de la sobriété et de la foi, ma soeur Marguerite ne comptait ni son temps, ni sa peine...

 

Elle fut aussi cuisinière de la communauté et de l'hôpital. Cuisinière extraordinaire », c'est le terme qu'on a employé pour qualifier son talent de « cordon bleu ». Elle aimait beaucoup la basse-cour où chaque poussin avait sans doute pour elle un langage parfait. Et s'il s'en trouvait de malades ou « d'infirmes », ma soeur Marguerite entourait elle-même le malheureux « éclopé » des soins les plus délicats.

 

Si sa charité se penchait ainsi vers ces infirmes créatures, combien ne s'exerça-t-elle pas envers les pauvres ! Notre chère soeur, malade elle-même, n'eut guère d'emploi dans les salles, mais elle y passait très fréquemment et s'arrêtait à la première plainte, soulageant souffrances et misères autant qu'il était en son pouvoir. Toujours, elle savait laisser tomber dans les âmes le bon mot qui encourage et rassérène. On l'a dit : « la bonté possède par elle-même un pouvoir curatif ». Aimant tous les malades sans distinction de rang, sans acception de personne, elle savait compatir aux douleurs d'autrui, parce qu'elle-même, était depuis longtemps « l'élève du bon Dieu à l'école de la souffrance. » Elle continue de s'employer activement dans notre monastère. Si l'instruction lui fait complètement défaut - elle devait apprendre ici à lire et à écrire - elle possède par contre une grande dextérité manuelle. Elle multiplie ses activités, faisant de ses « dix doigts » tout ce qu'elle veut, elle organise l'office des bas, elle coud, elle file, elle tisse à merveille. Rien ne la rebute de ce qui doit être fait. Dans les plus gros travaux, les besognes les plus pénibles, elle fournit plus que sa part de labeur. »

 

Elle n'eut pas une bonne santé, au contraire elle fut malade presque toute sa vie comme l'atteste sa nécrologie :

 

Jeune professe, elle eut des crachements de sang. Plus tard, le cancer commençait son travail sournois. Il devait se généraliser, mais de très lente façon. Ce qu'elle a souffert ! Durant son stage prolongé à l'infirmerie, elle faisait toujours seule ses pansements et jamais, elle ne voulut accepter aucun calmant. A la fin, elle prenait chaque nuit deux pauvres comprimés qui ne devaient contribuer que bien faiblement à endormir ses douleurs. Elle avouait - et combien n'en gardons-nous pas d'édification - « la nuit, quand je souffre trop, je m'en vais au jubé, me prosterner à côté de Notre-Seigneur à Gethsémanie ; je lui répète dix fois, cent fois de suite : « que votre volonté soit faite ». Elle se livrait sans réserves à la volonté du Maître, fière de son « appartenance » à Jésus crucifié et forte de son espoir dans les promesses de l'éternité. Elle accueillait la douleur comme un flot purificateur, comme un signe authentique de la prédilection du Maître qui reçoit alors dans son intimité sacrée, celui '' qui consent à boire à sa coupe ». La chère ancienne - ses 80 ans passés - disait seulement quelquefois : « Le bon Dieu a ma vie entre les mains, mais je me demande ce qu'il veut faire avec. Ça lui prend bien du temps à défaire sa vieille maison ».

 

Mais elle avait une piété forte quoi que naïve pour faire le bonheur de ses voeux ; elle était très affable et une sagesse se dégageait de sa simplicité. Voici le témoignage de sa communauté :

Qu'on ne croie pas que la chère ancienne, parce qu'elle ne possédait pas la moindre instruction, n'était pas intelligente. Bien au contraire, et elle l'était de façon « dépareillée ». En seraient une preuve à l'appui, ses relations avec Mlle Lessard, jeune fille de Québec, très instruite et très cultivé et qui, à chacun de ses séjours à notre Hôtel-Dieu, ne manquait pas de demander ma soeur Marguerite pour jouir de ses fines réparties et goûter ses mots savoureux.

 

Notre bonne soeur, dans toutes ses conversations, ne manquait jamais de mettre une note de spiritualité. Elle était très attachée à sa règle. Une jeune postulante lui ayant demandé un jour : « Ma soeur Marguerite, à votre âge, vous devez savoir tant de choses, donnez-moi un conseil qui m'aidera dans ma vie religieuse ». - Pas besoin de rien vous dire : prenez votre Directoire, et si vous faites tout ce qui est marqué, je vous garantis que vous serez une grande sainte dans le ciel ». Puissions-nous garder, en nos mémoires, les leçons, qu'à l'occasion, elle nous donnait ! La mémoire ! Comment ne point parler de la sienne, merveilleuse ! Elle ne prit jamais de notes de sermons parce qu'elle ne savait pas assez écrire, mais pouvait néanmoins, le rapporter aux soeurs, presque textuellement.

 

Elle avait aussi une grande admiration pour « Mademoiselle Mance », comme elle disait toujours, nous exhortant à imiter son courage et son endurance. Elle-même voulut jusqu'au bout de sa longue vie, ou presque, se rendre tous les services possibles pour éviter du travail aux soeurs. Elle raccommodait son linge, entretenait sa chambre et disait d'un ton comique :

 

« Personne n'aime la « netteté » comme moi».»

 

Sa dernière année de vie religieuse lui fit subit le calvaire d'une sainte. Voici le récit de sa dernière agonie

 

« D'avoir été choisie pour êtres conforme au Christ, faisait toute sa consolation. Notre chère soeur Marguerite était, en effet, très pieuse. Elle se faisait conduire en chaise roulante pour entendre la messe et ne manqua jamais une de ses communions, jusqu'à la fin. Administrée deux fois, en novembre 1938 et en mai dernier, elle aurait pu, les jours suivants, ne pas rester à jeun, comme nous le lui disions quand la soif la tenaillait. Écoutons sa réponse, précieuse formule de perfection dans sa brièveté : « Quand on peut mieux faire, on fait mieux ». Récitant son rosaire tous les jours, elle ne manquait pas d'offrir un chapelet entier pour la communauté en plus de bien d'autres dévotions. En est-il de plus touchant que celle de son chemin de croix que nous la laisserons raconter elle-même, comme elle nous l'expliquait quelques jours seulement avant sa mort : « je le fais comme il faut », dans la journée, mais le soir, je le recommence avant de m'endormir : c'est bien mieux que de penser à rien. JÉSUS EST CONDAMNÉ À MORT... JÉSUS EST CHARGÉ DE SA CROIX... puis, je fais un somme. JÉSUS TOMBE POUR LA PREMIÈRE FOI... je me rendors. JÉSUS RENCONTRE SA SAINTE MÈRE... et je dors encore. Des fois, il y a plus d'espace entre les stations... ça ne fait rien... mon Jésus est content pareil. » Elle appelait son crucifix « mon trésor », « je le cherche toujours, disait-elle. » Elle le collait doucement sur sa joue comme pour en recevoir un baiser. « Pauvre terre, faut-il souffrir pour aller au ciel ! Mais ce que je ramasse, je l'aurai, » ajoutait-elle, confiante...

 

A la mi-juin, elle dut s'aliter. « Le bon Dieu, confiait-elle, a bien l'air de m'avoir oubliée sur la terre ». En effet, notre regrettée soeur Marguerite avait épuisé toutes les dates possibles de jubilé, d'argent et d'or, de diamant et de rubis, et à moins qu'elle n'atteignit sa centième année on ne voyait pas bien quelles « noces » on aurait pu lui faire encore. Le divin Maître daigna l'appeler enfin aux noces éternelles. Religieuse fidèle, elle jouit maintenant, nous l'espérons, de ce Dieu aimant, qu'elle a tant aimé, qui nous chérit avec infinie tendresse et qui nous attend dans le ciel de gloire.

 

Elle mourut le 11 juillet 1939 à l'âge de 88 ans sept mois et 26 jours et fut enterrée dans la crypte de la chapelle de la Maison Mère qui est l'Hôtel-Dieu située au 251 ouest Avenue des Pins à Montréal près de ses consoeurs avec qui elle avait vécu presque 67 années de sa vie. Sa nécrologie communautaire donnait le témoignage suivant :

 

« Acadienne, notre chère soeur, l'était certes, elle aussi, jusqu'au fond du coeur. Faut-il chercher ailleurs la source de cette énergie de fer qui lui donna la force de lutter contre la maladie, un demi-siècle et peut-être davantage !

 

Tandis que sa nécrologie dans l'Ordre Social de Moncton ajoutait :

 

Puisse cette vénérable religieuse, du haut du ciel, jeter un regard sur les descendants des vaillants Acadiens d'autrefois. Puisse son exemple, faire revivre chez nous ces vertus qui ont valu à nos ancêtres de conserver intact l'héritage très précieux de la foi catholique au milieu des adversités et parmi tant d'âpres vicissitudes des temps passés. »

 

Lorsqu'elle est décédée en 1939 seulement deux de ses neuf frères étaient encore vivant il s'agissait des deux plus jeunes : Martial qui est né le 11 juillet 1855, il resta célibataire après avoir fait des études classiques et théologiques, il fut colporteur et itinérant pendant toute sa vie (il est mort le 13 octobre 1948 à l'Hospice de Shédiac). David le cadet est né en 1860, il fut enseignant au Village­du-Bois et se maria trois fois à Christine à Dominique Bourque en 1883, à Marguerite à Aimé Gallant en 1913 et finalement à Madeleine Belliveau ; il est mort le 3 octobre 1944 à Memramcook.

 

Les sept autres frères l'avaient précédée à la tombe:

 

1. François, né le 1 décembre 1834 et marié à Mathilde LeBlanc en 1866 à Memramcook. Une de leurs fille, Marie née en 1870 devient Sr Adelaide des Religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur.

 

2. Damien, né en 1837 et marié le 18 septembre 1866 à Marcelline dite à Frère Boudreau à Barachois ; il est décédé le 8 juin 1880 des suite d'un accident de chariot à Beaumont en halant une charge de billots. (Il était l'arrière grand-père de l'auteur de cet article, le fils de Damien, Antoine épousa Anna Doiron qui engendra ma mère Juliette Cormier).

 

3. Odilon dit Adelin, né en 1838 qui épousa en première noce Philomène Gautreau en 1867 et Florence à Charles LeBlanc en 1872.

 

4. Denis, né en 1839 et décédé bébé.

 

5. Honoré dit Noré et LeBouïngue, né en 1847 et marié à Rufinne Bourque en 1877.

 

6. Anselme dit P'tit, né en 1852 et marié à Maria Bourque en 1875 et en seconde noce à une Rosalie; il est décédé en 1933. C'est lui qui hérita de la maison ancestrale qui appartient encore à la famille Cormier à l'Anse-aux-Cormier. Il était le grand-père d'Alyre Cormier

 

7. André Cormier, né le 27 novembre 1854, fut ordonné prêtre à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick le 30 novembre 1878 pour la Congrégation de Sainte-Croix pour oeuvrer au Collège Saint-Joseph avant de devenir aumônier au pénitencier et curé de Dorchester. Il quitta les Pères de Sainte-Croix pour devenir prêtre séculier et à sa retraite en 1920, il devint président du comité qui recueilla et construisit l'Église-Souvenir de Grand-Pré ; il est décédé le 9 octobre 1930.

 

Sr Marguerite survécue aussi à ses deux soeurs :

 

1. Rosalie, née en 1836 et épouse de Sylvain Boudreau en 1861 et décédée en 1911.

 

2. Mathilde, née en 1841 et épouse de Vital à Jean-Baptiste Landry en 1862, elle est décédée le 23 janvier 1926 à Bouctouche chez son fils le Docteur David Landry, père du Docteur Raoul Landry et du Père Léopold Landry, Pères Blanc d'Afrique ; elle était aussi la mère du Père Albert Landry, curé successivement de Sackville, Cap-Pelé, Adamsville et Saint-Anselme.

Plusieurs souvenirs de famille sont restés de visites faites à Montréal pour voir et parler avec sœur Marguerite derrière l'enclos de son cloître, pour rétablir les liens familiaux avec celle qui avait choisie d'être l'ange gardien des générations de descendants de David Cormier et d'Henriette Léger dispersées à partir de l'Anse-aux‑Cormier de Memramcook au quatre coins de la terre.

 

Finalement, elle fut une des première religieuse acadienne qui a laissé une trace de simple sainteté pour notre émulation.

 

Père Maurice A. Léger

curé de Barachois et de Haute-Aboujagane

Mars 1999

 

Sources :

 

Archives de la Maison-mère des Hospitalières Saint Joseph à Montréal.¸

 

Archives d'Alyre Cormier de Moncton.

 

Cahiers de la Société historique acadienne.

 

L'Odre Social -18 juillet 1939, p.6.

 

Allaire, J.-B.-A., Dictionnaire Biographique du clergé Canadien-Français ;  Les Contemporains, 1908, Imprimerie de La Tribune, 623p.

 

Bernard, Antoine, c.s.v. Les Hospitalières de Saint-Joseph et leur oeuvre en  Acadie, 1958, Les Hospitalières de Saint-Joseph, Vallée-Lourdes, N.-B., 303p.

 

Bourgeois, Ph. F., c.s.c., Vie de l'Abbé Francois-Xavier Lafrance suivie d'une courte notice biographique de l'Abbé François-Xavier Cormier premier prêtre né dans la Paroisse de Memramcook, 1913, Librairie Beauchemin Ltée, Montréal, p 159-193.

 

Desjardins, Georgette, r.h.s.j., Les Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph au Madawaska 1873-1973, 1998. La Plume d'Oie Édition, Cap-Saint-Ignace, Qué. 294p.

 

Gaudet, Gustave, Biographies de Memramcook, 1955, p.15

 

Léger, Maurice A. (Rev.) et Bourque, Oscar (Rev.), Souvenir du 50e anniversaire de l'Archidiocèse de Moncton, 1986, Tribune Press Ltd, Sackville, 210p.

 

Pichette, Robert, Les Religieuses Pionnières en Acadie,1993, Michel Henry éditeur, Moncton, N.-B., 143p.

____________, Le Diocèse de Montréal à la fin du dix-neuvième  siècle, 1900, Eusèbe Sénégal & Cie, Montréal, Qué., 800p.

 

Lettres à l'évêque de Québec

début XIXe siècle

 

Ces lettres sont d'Antoine Bédard, prêtre et de Thomas Power, curé à Memramcook. Elles sont adressées à Mgr Plessis évêque de Québec qui était administrateur de toute la région d'Acadie à l'époque. Ces lettres donnent matière à réfléchir. Le lecteur ne peut rester insensible à la situation qui existait alors.

 

Certains écrivains ont qualifié les Acadiens de toutes les vertus ....d'autres de tous les vices .... Les pires termes dont on nous a affublés sont : "débris", " ilotes" "ignares et acéphales" ....

 

Baie des Winds 25 janvier 1801

 

Monsieur,

Quinze jours après être arrivé à Richibouctou il m'a fallu aller administrer des malades dans la paroisse de Mr. Power. Il est incapable de desservir sa mission, il est toujours au lit. L'année dernière il n'a pu dire la messe que  six ou huit petites messes. Je ne l'ai pas vu depuis la veille de la Toussaint il était alors si faible qu'il n'avait pas la force de répondre à la lettre que vous lui ayes fait l'honneur de lui écrere. Il me chargea alors de vous marquer son état et de vous présenter ses respects. Il ne connait pas assez sa mission pour vous en donner une  grande connaissance si j'en puis juger par les dix jours que j'y ai été à visiter ses malades et confesser, elle est très débordée, l'impureté, la fornication, le divorce, la bestialité, l'ivrognerie règnent, il ne peut ni faire le catéchisme ni confesser, encore moins prêcher. Le printemps dernier il a fait venir Me Picard qui a desservi une partie de ses paroissiens. Si monseigneur connaissait le besoin de cette mission je crois qu'il y enverrait un prêtre, il me semble que cent trente ou quarante familles catholiques méritent attention. De plus il y a beaucoup d'irlandais et d'écossais qui sont catholiques mais qui ne vont pas à l'église parce qu'il n'y a ni messe ni prédication. Mr Power serait très charmé s'il avait un prêtre, les habitants s'oblignet à cotiser pour les besoins des deux s'il en vient un, parceque les revenus de sa mission ne suffisent pas pour deux prêtres m'a dit mr Power qui me charge de vous en demander un

Ant. Bédard, prêtre, missionnaire

 

Memramcook, may 26 1801

 

My Lord,

I red your much esteemed favor of the 23d september last at Menoudie, then in a very low state of health. Mr Bedard had the charity to go visit me there, but my weakness was such that I was not able to write, nor dictate to him what I would wish to communicate to your Lordship, and since I got any little strength no opportunity served from here to St Jn or Halifax. I am obliged to send this by way of Richibouctou. Hope therefore your Lordship will excuse this seemingly culpable neglect on my side. As to my not writing before I had the honor of your Lordship's letter, Mr Jones was the cause of it. He told me that letters from us who were under his immediate jurisdiction were not agreable to his Lordship. I would not therefore venture to intrude tho I had more than sufficient cause to apply for redress of grievances here. I should take pages in giving even an imperfect detail of the dispositions, manners and proceedings of these people. These seven years that I am  living here, they are ignorant to a degree, changeable as wind, positive in their own opinions, and maliticous when checked in their obstinacy. Calumny, detraction, and division, nightly meetings of the youth of both sexes, dancing, frolicks, frequenting tippling houses on sundays, want of correction on the Parent's side. And consequently of obedience of the children's seem to have acquired a right of prescription here, to abolish such customs or rather vices, so laudably instituted ( as they suppose) would be a greater injury to him than the supression of the feasts of the church. They are not however so frequent as they have been. I hope your Lordship's paternalcare and assistance will put a final stop to them.

I prayed Mr Bédard whose visits have been of service to inform your Lordship of my situation, and the necessity of having a man of activity and firmness backed  with authority to reduce these people to a sense of their  duty, otherwise they will make laws to rule the Priests, rather than be ruled by him, give their tithes, and wood, according as he happens to please or displease them if reprimanded for their faults it is a sufficient cause to deprive him of the rights he has to subsist on. To recommend any measure to them for the good of the church, or their own, is useless unless approved by their noctural assemblies, where some heads of opposition are sure to meet, and tho ignorant as themselves, yet influence the whole, so that one day they seem unanimous, and the next totally divided. In fine their disposition is such that severity seems more calculated to bring them to a sense of duty than mildness.

 

The late Mr Leroux left this place in great confusion , prior to his death he assembled his people, and promise to leave them his effects should they become responsible for his support in his last infirmity, and pay his debts should he owe any, he made no mention of having  any money tho he left £200. Some answered they would, others refused. He shortly after died without expense to either party. Those who answd. Took possession of his property and concealed the sum from me as from others till last year found what the sum was and made it public. But before it came public, those that refused to contribute any thing towards the support of Mr Leroux claimed a right as parishioners to share of his property and would insist upon a partition even of the ornament and sacred vessels of the church which were but few.

 

I found an imperfect scrap of a will which was not finished wherein he bequeathed his ornaments to the church of St Thos of Memramcook, with this condition that an anniversary would be sung for him for a certain number of years, should a resident Priest come to the place. This confirmed me in my opinion that his intention could not be that effects should go in cavil among the people, the most reasonable part joined me, but those of opposition spared no pains in vilifying my character among the different sectaries, that surround us, nothing that malice or resentment could suggest that they have not said against me at time that the English would have sent them all prisoners to Cumberland fort, for refusing the oath of Fidelity, did I not interfere.the delinquants acknoledged publickly their fault, except In. Swiss the principle and more barefaced of all, who has since moved to Mr Bedard's district, but they could not retract the injure done me. The supreme Judge will determine that. To continue the confusion different claims come on for Mr LeRoux's effects. Revd Mr Bourg claimed his money and books, Jacques  _Leger on whose land the chapel and Presbytery stood  claimd all. The parishioners from the declaration of Mr LeRoux delivered to them at the alter by Mr Bourg, think their claim stronger that the two former as yet a subdivision, those who assured to support Mr LeRoux in his latter days thought themselves entitled to exclude from the right of parishioners those who refused. Finding nothing but contradictory asseetions to establish any of those rights, I wrote to Mr Jones praying him to acquaint his Lordship of Quebec with the circumstances and request him to send his document thereto relative, but got no answer. Two years past in meetings, deliberations, contests and insults on both sides, at length they seemed all to give up their rights to ornament their chapel which soon after was burnt. A new source of division. Leger possessed himself of six acres of land that Mr LeRoux claimed as a glebe. inlieu whereof he procured S. Leger an entire lot of land. Urged on by the desire of people to vindicate the right of the church I fee'd a lawyer, but for want of a deed to Mr LeRoux or the people of the six acres, I was obliged to relinquish it those that could give information on the subject were gained over by Leger's party, and would not give evidence. I had to put up with the loss of the Fee and disappointment. Tired out with their endless debaters and dissention I was determined to leave them, but still was prevailed on to accept six acres of land more central than the former, of which I took a deed for the use of the public, enclosed the land, erected a small house and garden all to a trifle at my own expense .

 

I must beg leave to trespass on your Lordship's patience a little the well disposed party set up the frame of a chapel and covered it late in the season in a hurry  and from their small number I perfectly those of the opposition would not work for this reason that it was not build in the former place, tho more convenient to them where it stands, others would not work as Mr L.R. left money to built a chapel when Mr Bedard was here last by persuasion and threats, they promised to work and leave the money for ornaments necessary when the work is finished. He has taken 30 guineas to forward to Quebec for that purpose. They began to work, I wish they may continue . They have  been these three winters back sometimes to their knees in  snow in the chapel and at the same time dropping wet on  the Priest's head at the altar . I have been sickly since was at the college, and am now reduced so low that I cannot undergo much hardship. The emoluments of this district if duly pa would I have no doubt amt. An 100 per annum but I never recd. One half. I hope your Lordship will devise some measure to obviate this and other abuses in this place. Whatever your Lordship's commands may be shall be attended to with the most profound respect by your Lordship's most humble & obdt. Servt.

Thos Power

 

Miramichi le 10 juin 1801

 

Monseigneur,

J 'ai reçu l'honneur de votre lettre du 18 mars, le 29 mai, elle m'apprend que vous êtes dans l'impossibilité d'envoyer un prêtre a Memramkok. J'en suis bien affligé Non pas que je craigne la fatigue, dieu m'en est témoin, mais le désordre y est si grand qu'un prêtre passant ne peut presque pas y faire de bien. Cependant je ferai tout mon possible pour les remettre dans le bon chemin. Je me propose d'aller a Menoudie après mon voyage de l'île St-Jean Ces habitants n'ont pas été desservis depuis trois  ans. Mr Power m'a enfin envoyé une lettre pour votre grandeur, il nous parle des désordres de sa mission qu'il ne connait pas bien des affaires de feu Mr LeRoux qui ont été cause de beaucoup de péchés et d'injustices parce qu'il n'a pas eu la précaution de mettre l'affaire à la décision de Monseigneur lorsqu'il est arrivé à Memramcook         

Ant. Bédard , prêtre missionnaire.

 

 

N. B, v -  16    Memramkok 23 février 1803

 

Monseigneur

Hier à mon arrivée de Menoudie à Memramkouk j'ai reçu l'honneur de votre lettre du 9 novembre celle du 5 novembre dernier ne m'est pas parvenue, ainsi je suis dans l'embarras relativement à la succession de jean richard. Ces héritiers me paraissent fort entêtés et je crains un procès ou au moins bien des parolles peu charitables. Si la Succession n'est pas partagée aux frères et beaux frères tant du marie que de la femme et peut être même aux enfants des parents morts. Je ferai ce que vous me dirai. J'ai eu l'honneur de répondre dans le mois de décembre par la rivière St jean aux lettres que vous aviez donnés à ma soeur. Sans doute que la réponse vous est parvenue.

 

joseph alain laissa en mourant plusieurs garçons la cultivaient successivement lorsque les habitants du village sont devenus possesseurs du terrein par la grante, un garçons du défunt fit mettre la grante au nom de son fils, et refuse de donner la part à ses frères disant que la grante est au nom de son fils, il me semble que c'est un vol que ses frères devaient partager également avec lui puis que c'est l'habitation de leur père et que c'est par fraude qu'il a fait mettre la grante au nom de son fils. Selon les papiers que j'ai lus et les informations que j'ai eues des gens du village, en attendant. L'honneur de votre réponse je continuerai je continuerai de le refuser aux sacrements. Si toute fois il se présente, c'est un homme violent que feu Mr Castanet fut obligé de mettre hors l'église et je crois même Mr desplantes Je suis dans l'acadie depuis un mois occupé le plus souvent à visiter des malades attaqués d'une violente fièvre surtout à Menoudie, je dois partir dimanche pour peticoudiac où je m'attends à bien des déboires. J'attendrai Mr Vezina dès le printemps, c'est l'homme qu'il  faut à L'acadie en conséquence je vais faire achever le  presbitere de Memramkouk et ordonner un petit logement à peticoudiac dont les habitants m'ont écrit une lettre assez insolente, ils refusaient la dime à leur missionnaire, je leur écris que je ne les desserverais pas s'il refusaient de satisfaire à leurs obligations, c'est à ce sujet là qu'il m'ont écrit lestement, plusieurs sont déjà revenus à la raison et dieu permettra peut-être que le reste y revienne.

Je suis avec le plus profond respect

Monseigneur

De votre grandeur Le très humble et très obeissant Serviteur

Ant. Bedard pretre

 

A Monseigneur Plissis évêque de Canathe à Québec

Richibouctou 27 mai 1803

 

Monseigneur

J'ai reçue l'honneur de votre lettre du 2 de mars avant hier matin par Mr Ciquart qui est venu me surprendre au Chigibougouet où j'étais à faire la mission. Le sujet de son voyage à Miramichi m'a d'autant plus surpris que j'avais déjà plusieurs fois porté mes regards vers la mer pour découvrir Mr Vezina que j'attendais et que j'avais  annoncé à Memramkouk.

 

Mr joyer va tomber des nues, il était déterminé à monter à Québec après la mission de Miramichi. Je suis faché que le coup soit manqué pour Mr Vezina, je crois qu'il aurait été plus propre que beaucoup d'autres quoique le brave Mr Ciquart soit bien capable d'y faire du bien, ce qui me donne de la peine, c'est que Mr power ne le verra pas d'un bon oeil. Je crois que Mr joyer ne balancera pas à se déterminer pour Caraquet à cause des catholiques de Miramichi et des Sauvages. J'ai appris aujourd'hui que Mr  power n'avait entrepris de dire la messe qu'une seule fois  et qu'il avait été sur le point d'abandonner l'autel au  moment de la consécration — il parait que Sa Santé va toujours in deterius les malades m'ont fait voyager tout l'hiver. J'ai été obligé d'aller trois fois à Memramkouk aussi j'ai une toux qui me fatigue et qui ressemble, me disent mes paroissiens, à celle de feu Mr Castanet je suis présentement dans l'état dans le quel j'étais lorsque j'allai à l'île aux coudes il y a cinq ans.

 

Si je ne craignais pas de vous faire une demande indiscrete, je vous prierais de me faire savoir Si vous me reppellé cet été. Si je savais monter à Québec, je ne ferais aucune demande à mon marchand, si je dois rester je demanderais mes besoins: dans l'incertitude je ne puis prendre aucun partis. Daignez m'apprendre la conduite que je dois tenir. D'autant plus que Monseigneur de Québec me dit en m'en voyant à Richibouctou qu'il ne voulait pas que j'y restasse plus de trois ans et de retourner à Québec quand le temps serait écoulé tout cela me met dans l'embarras quelque fois je Bactejette mes regards vers Québec à cause de la toux que j'ai, quelque fois sur Richibouctou que j'aime?

 

J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect

Monseigneur
de votre grandeur le très humble et très obéissant serviteur

Ant. Bedard pre