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« La rivière Petitcodiac tire son importance de la navigation et de la pêche. Dans les mois de juillet, août et septembre, elle est d'une grande ressource pour les riverains. L'agate ou alose y abonde; il va aussi un peu de saumon. La manière dont se fait la pêche à l'agate mérite d'être rapportée ici. Voici le mode qu'on emploie pour cela, tel qu'enseigné autrefois aux Acadiens par un de leur curé, M. F. Gauvreau.
Avant tout, les pêcheurs se munissent de seines, longues de 800, 1000, et quelquefois 1200 brasses; larges de 7 à 8 pieds. Toutes les mailles sont rattachées à deux petits cables, ou grosses cordes, une de chaque côté : des plombs d'un pouce de diamètre sont assujettis à l'un de ces câbles, et à l'autre des boules de bois ou bottées, grosses comme le poing. A marée haute les pêcheurs s'avancent en pleine rivière sur des chaloupes; tournent le dos à sa source, tiennent graduellement à l'eau leur filets, qui se tiennent verticalement, et s'étendent en décrivant une une ligne droite parallèle aux rivages.
Quand toute sa seine est déployée, ils l'assujettissent solidement à l'embarcation, et suivent tranquillement le courant tant que la marée porte : ils pénètrent ainsi quelquefois bien avant dans la baie. Ces sortes de seines n'enveloppent pas leur proie comme font les nôtres: le poisson n'y prend pas librement ses ébats, mais, tenant à forcer les mailles, il s'y empêtre, ouvre ses ouïes en se débattant ; et les efforts qu'il fait pour recouvrer sa liberté, n'aboutissent qu'à l'enlacer d'avantage et à lui faire trouver plus promptement la mort.
Aussitôt que la mer ne prête plus, les pêcheurs arrêtent leur barque, jettent l’ancre, s'ils peuvent toucher fond, retirent leurs filets, décrochent la proie à mesure qu'elle se présente, font volte face ; et, à marée remontante, ils déploient de nouveau leurs veines, les lancent devant eux comme au début, et remontent le fleuve, poussés par les eaux qui se gonflent ; puis, enfin. quand la marée s'arrête, ils retirent de nouveau leurs filets, exécutant la même manoeuvre que la première fois, et la pêche e›t finie pour ce jour-là. »
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