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LA VIE DE NOS ANCÊTRES SUR LA FERME  


Dans son livre LA VALLÉe de MEMRAMCOOK HIER-AUJOURD'HUI, publié en 1984, Gustave Gaudet nous décrit les travaux auxquels nos ancêtres de quelques cent ans passés s'adonnaient pour maintenir leur ferme. Reproduits ici en sections, ses commentaires sont accompagnés d'images appropriées.


TRAVAUX   D'HIVER

Le soin des animaux -

Au début du siècle, la majorité des habitants vivaient sur leur ferme. Le travail journalier sur une ferme consistait à prendre soin des animaux établés c'est-à-dire, la traite des vaches, le nettoyage de l'étable, donner le foin aux animaux, aux bêtes à cornes et aux chevaux.

Étant donné qu'il n'y avait pas d'eau courante à la disposition des animaux, il fallait les faire boire au moins une fois par jour en les guidant à des auges ou au ruisseau. Pendant les pires tempêtes de l'hiver, leur soif aussitôt satisfaite, le bétail retournait le plus vite possible à la chaleur des étables.


La coupe du bois de chauffage -

C'était aussi pendant cette période que le bois de chauffage était coupé et charroyé en grosses traînes et empilé près de la maison ou du hangar. Chacun coupait ainsi du bois vert, de 10 à 20 cordes, tout dépendant de la grandeur de la maison à chauffer.

En février ou au début de mars, le bois était débité en longueur de 12 à 14 pouces. Ordinairement ce travail se faisait par des moulins à scie, actionnés par un engin à gazoline. Le propriétaire du moulin passait de maison en maison pour scier le bois et était payé tant la corde.


La coupe de la glace -

Jusqu'aux années cinquante, les employés de la ferme de l'Université St-Joseph accomplissaient un travail spécial pendant l'hiver. Ce travail assez pénible était la coupe de glace sur le lac St-Camille. Cette récolte annuelle rapportait environ 400 tonnes de glace qui était charroyée par les chevaux de la ferme et mise dans la glacière située en arrière de la cuisine de l'Université.

La coupe de la glace se faisait avec de grandes scies et la glace qui pouvait avoir jusqu'à 2 pieds d'épaisseur était coupée en morceaux de 2 pieds carrés. Ce travail manuel demandait une certaine habilité et l'on pourrait dire que c'était un travail assez ahurissant et fatiguant.

La glace récoltée pendant l'hiver servait à conserver les viandes, le lait et autres aliments périssables pendant les chaleurs d'été. Pendant les années cinquante, l'Université aménagea un entrepôt frigorifique qui remplaça à tout jamais la nécessité de la coupe de glace. Maintenant on pouvait conserver une température constante et garder les denrées alimentaires en bon état à l'année longue. La coupe de glace, comme beaucoup d'autres travaux qui se faisaient à la main ou avec des chevaux est maintenant chose du passé.


TRAVAUX   DU   PRINTEMPS


Le séchage du bois de chauffage -

En mars, alors que le soleil commençait à être plus chaud, c'était le temps de fendre le bois de chauffage afin de lui permettre de sécher Le bois fendu était empilé sous forme de cône et chacun se ventait d'avoir le plus beau « bûcher » du village.

Plus tard, après que le bois eut été exposé au soleil et au vent, on le rentrait dans le hangar ou dans la « shed à bois » où il était cordé solidement. Ce beau bois sec servirait pour l'hive prochain et tout en pétillant et en rendant une bonne odeur dans cuisine, réchaufferait la maison et permettrait de faire cuire le bon pain de ménage. /p>


« Faire la bouchure » - Réparer les clôtures -

Voici en quoi consistait le travail après la fonte des neiges: il y avait le charroyage du fumier et après le dégel, c'était le temps du réparage de clôtures. Les piquets qu'on avait eu le soin de « plumer » et appointis servaient à remplacer ceux que la neige avait cassés. On faisait aussi la réparation des clòtures de travers, clòtures faites de « lisses » de cèdre quand on en trouvait sur la ferme, sinon, ces travers étaient faits avec des lisses de sapin ou de « prusse ».


LE   TEMPS   DES  SEMENCES


La préparation du sol et la semence-

La belle saison arrivée, c'était le temps des semences. Quelques retardataires faisaient aussi du labour ou achevaient les labours non terminés de l'automne précédent: hersage, disquage, herse à dents et ressorts.

Le premier grain semé était du grain bénit lors des rogations. Les semences au début du siècle se faisaient à la main, plus tard vinrent les semoirs tirés par les chevaux. Les semences terminées, on avait précaution de rouler le terrain afin de l'aplanir et le roulage servait aussi à enterrer le grain qui ne l'avait pas été par le hersage.


Le jardin-

Au même temps des semences, on préparait aussi le jardin. Il fallait planter des patates, des pois, des carottes, des oignons et autres légumes aussi vite que possible afin d'avoir des légumes frais à la fin de juillet, - « légumes pour manger du vert » -, selon l'expression. Après les travaux des semailles et de plantation, le travail du fermier consistait à prendre soin de son jardin, le « renchaussement » des patates, les sarclages, l'éclairsissement des navets, bêchage, arrosage contre les insectes, etc...


«FAIRE LES FOINS » - LA FENAISON

Récolte du foin-

Anciennement, les fermiers attendaient assez tard en juillet avant de commencer à faire les foins. Tout le travail se faisait avec des chevaux et il fallait toujours compter sur une bonne température. De nos jours, les quelques fermiers qui exploitent les belles fermes de la vallée commencent les foins en juin, pour ceux qui font de l'ensilage et les autres, il se font dès le début de juillet.


De tous les travaux de la ferme, aucun ne procurait plus de satisfaction que de faire la récolte du foin. Ce travail se faisait lorsque la température était idéale et demandait un travail dur et pénible, car au début du siècle, l'ouvrage se faisait seulement avec des chevaux et à l'aide de beaucoup de travail manuel. C'était un travail familial avec une bonne paire de chevaux attelés sur une faucheuse de six pieds (mowing machine) avec un râteau à foin sur lequel s'assoyait un jeune garçon.
 

Le foin était mis en rente après quoi, on le mettait en « mulerons », qu'on prenait bien soin de ranger en ligne, après les avoir bien bâtis en forme de cône pour que la pluie ne passe pas au travers. On les laissait ainsi pour une nuit. Quel beau coup d'oeil que présentait un champ de foin par une belle soirée de pleine lune, lorsque nous voyons ces rangées de « mulerons » bien en ligne à la largeur du champ, assez éloignés les uns des autres pour permettre le passage du « wagon » et aussi de pouvoir charger des deux côtés en même temps.
 

Le foin était chargé à la main avec des fourches à long manche et l'on prenait soin de bien le «piler » ou le tasser afin d'avoir un voyage ou une charge qui se tiendrait ensemble jusqu'à l'arrivée à la grange. Une fois la voiture bien chargée de manière à ce que l'arrière de la charge soit plus haute que le devant et après avoir « raclé » le foin de chaque côté afin de ne pas en perdre en chemin, on « perchait » la charge au moyen d'une longue perche au bout de laquelle pendait un gros câble qui s'entourait autour de la charge à l'arrière du « wagon ».

Ainsi une charge de foin qui pesait facilement une tonne ou plus, pouvait se rendre à la grange sans inconvénients ou sans basculer le long du chemin.


C'est ainsi que l'on pouvait voir les 3 ou 4 paires de chevaux du collège traînant chacune un beau gros voyage de foin, revenir de la ferme Belliveau pour l'entreposer aux granges du collège.

Dès ce temps, pendant les grandes chaleurs de l'été, le foin était déchargé dans les « carrés » ou « tasseries » où un jeune homme recevait le foin sous le toit de la grange réchauffée par les rayons ardents du soleil, la sueur coulait le long de son visage et de son dos et les brins de foin entraient dans sa chemise ouverte et se collaient sur son corps abimé de sueur. C'est ainsi que se faisait la récolte du foin, il y a 60, 75 et 100 ans passées.

La récolte terminée sur la terre haute, on se rendait faire les foins de marais. Quel contraste avec la méthode de faire les foins de nos jours, alors qu'un homme n'a qu'à conduire les différentes machineries qui font pratiquement tout le travail manuel d'autrefois. Il n'a qu'à conduire le tracteur avec la presse à foin et l'escalateur qui range les ballots dans les fenils automatiquement. La vente du foin de qualité, surtout le foin de pré a toujours bien rapporté aux fermiers de la vallée en plus d'être une source de revenus additionnels.


Récolte du grain-

Une fois la récolte du foin en grange et que le grain était rendu à maturité, le grain était coupé à la petite faux; plus tard il fut coupé avec le moulin à faucher (mowing machine), après quoi, on vit l'apparition de la moissonneuse (reaper) et de la lieuse (le binder).

Le grain coupé était lié en gerbes, ensuite ramassé à la main et mit en tas (stalks). Toutes ces machines dispendieuses ont été remplacées par la « combine », une grosse machine qui non seulement coupe le grain mais le bat en même temps. Il faut, bien entendu, attendre que le grain soit mûr avant de le couper.


Les ancêtres battaient le grain avec un fléau, puis au début du siècle, on vit l'apparition du moulin à battre (treshing machine) appelées vulgairement un « trash ».

Ce moulin était actionné au moyen d'un « horse power», une sorte de cage pontée [trépigneuse] dans laquelle on attelait une paire de chevaux qui, en marchant toujours à la même place, faisaient tourner le moulin.

Dans la paroisse, on trouvait seulement un ou deux de ces moulins qui passaient de grange en grange à l'automne et le fermier payait pour le battage de son grain, avoine, blé, orge (baillarge), le sarrasin (buck wheat), en donnant un boisseau pour tous les 8 qui étaient battus. Puisque les battages demandaient de la main d'oeuvre, les voisins s'entraidaient.

TOURNER LA MEULE

Plus de cinquante ans passés, sur presque toutes les fermes, prés des bâtiments, on trouvait une meule. Un jeune garçon d'une douzaine d'années avait à faire tourner la meule pour aiguiser les haches ou les faux, travail qu'il trouvait assez fatiguant.

Il fallait que les faux et les dents soient bien aiguisées pour faire du bon travail. Quelquefois, le tournage de la meule pouvait se faire assis. On pourait comparé ce travail à celui de faire tourner la baratte quand la crème s'obstinait et ne voulait pas changer en beurre. Avec le temps, on oublie toutes les peines du barattage pour ne se souvenir que du bon beurre de la ferme.


TRAVAUX D’AUTOMNE

Arracher les patates -

Vient ensuite l'arrachage des patates. Puisque la culture des patates n'était pas pratiquée sur une grande échelle dans la paroisse et que les fermiers n'en plantaient seulement assez pour leur propre besoin et non pas pour la vente, l'arrachage se faisait au moyen d'un instrument à main, appelé "hack" ou pioche.

Les patates arrachées étaient ensuite ramassées par les jeunes, même si les femmes aussi ne manquaient de venir donner un coup de main. On se servait de paniers qu'on remplissait avant de les verser dans des barils pour les transporter à la cave.
Après quoi, l'on ramassait les feuillages (arbres) de patates qu'on faisait sécher pour les brûler une belle soirée calme; occasion propice pour les jeunes de se rassembler autour du feu afin de courir et de jouer. Ceci faisait partie de la vie sociale de l'époque.


La récolte des légumes -

Il fallait aussi récolter les autres légumes avant les gelées tout en gardant la récolte des navets pour en dernier. Après avoir tout sauvé les récoltes, les froids d'automne arrivaient et il fallait terrasser la maison, mettre les instruments aratoires à l'abri et se préparer pour l'hiver.


La boucherie -

Lorsque les froids arrivaient, il ne restait que la boucherie. Presque toutes les familles avaient un cochon bien gras à tuer pour fournir de la bonne viande nécessaire pour tout l'hiver. Pour abattre ce porc, on avait souvent recours à un saigneur, un homme qui possédait ce métier à perfection.
Avec le sang qu'on avait pris la précaution de sauver, on faisait du boudin. Rien n'était perdu car les ménagères savaient aussi faire de la tête fromagée (head cheese). Il y avait l'excellente coutume aussi de donner des morceaux de viandes au voisin comme un genre d'échange. En ce temps de l'année se faisait aussi l'abattage des bêtes à cornes.


Le labour d’automne -

En plus, pendant ce temps, se faisait aussi les labours d'automne, travail qui se faisait avec des chevaux de trait,

LA  CULTURE  DE  LA  FRAISE

Le début de cette culture -

La culture de la fraise dans le comté de Westmorland date d'au delà de 70 ans, introduite dans cette paroisse (Memramcook) par M. Edgar Hicks, du Ruisseau, vers l'an 1910. Les premiers Acadiens à la cultiver furent MM Robert Dupuis, Danford Smith, Philippe Vienneau, Philomon Landry et Edmond LeBlanc. Depuis, elle s'est propagée dans tout le comté, et celui de Kent, et est devenue une industrie très importante dans notre économie.


La Coopérative de Memramcook Ltée -

La culture de la fraise s'était répandue dans la paroisse depuis les années 30 à tel point que les producteurs ne trouvaient plus de marché pour écouler leur produit. Le marché local était saturé, il fallait vendre à un prix dérisoire. Les producteurs ne recevaient que 4 cents le « casseau ».
Cet etat de chose ne pouvait durer et les fermiers de la vallée organisèrent la Coopérative de Memramcook Ltée en 1939. Cette coopérative permettait l'expédition des fraises sur les marchés extérieurs, notamment à Sydney et Halifax, Montréal et Boston et dès la première expédition, les producteurs reçurent non pas 4 cents du « casseau » mais 8 cents, c'est-à-dire le double.

Pendant vingt ans, la Coopérative de Memramcook permit donc aux producteurs de fraises de la vallée, de la Pré-d'en-Haut, de l'Aboujagane et même de St-Paul de Kent d'écouler les miliers de casseaux de fraises en expédiant jusqu'à 10 à 12 wagons réfrigérateurs plusieurs fois par semaine sur les grands marchés de Montréal et de Boston où ils recevaient des prix satisfaisants et rémunérateurs. Il y eut jusqu'à 27 chars de fraises expédiés en une année après la guerre.


Le festival de la fraise -

En 1950, la culture des fraises avait pris de l'importance dans la Vallée de Memramcook. Donc, dans le but d'encourager la culture de ce fruit excellent et délicieux, les membres de la chambre de commerce de la Vallée organisèrent un premier festival qui eut lieu au début de juillet de cette année. On aménagea une estrade sur le terrain de balle-molle de St-Joseph qui était décorée d'arbres de feuilles caduques et le tout était couvert d'une immense parachute étendu qui servait d'arrière fond.


La première reine du Festival fut couronnée sur cette estrade où on avait placé un trône; ce fut Mademoiselle Thérèse Arsenault de St-André qui était entourée de six (6) jolies princesses représentant la Pré-d'en-Haut, Lourdes, St-Anselme, St-Joseph, College Bridge et le chemin de Shédiac.


Pour cette occasion, il y eut une foule de plusieurs milliers de personnes qui avaient pris places dans les sièges habituellement réservés aux amateurs de baseball. Parmi l'assistance on pouvait remarquer la présence des députés, du curé de la paroisse, du supérieur du collège et du groupe imposant d'instituteurs et d'institutrices des cours d'été. Après les présentations d'usage par le maître de cérémonies, le tout fut suivi d'un programme musical et de chant. Les profits du festival ont servi de fonds destinés à acheter de l'équipement pour les pompiers de la région. Ce premier festival fut un grand succès de même que les autres qui suivirent pendant plusieurs années.


La fin de la culture - Durant les années 50, la production ralentit et plusieurs producteurs abandonnèrent la culture de la fraise pour diverses raisons, entre autres, la main d'oeuvre devenue plus rare. Pendant la période d'après la guerre, l'ouvrage de construction, etc... prenait soin d'un grand nombre de personnes. La fraise aussi devient sujette aux maladies, ce qui nécessitait des arrosages et de nouvelles variétés furent introduites. Pour toutes ces raisons, la culture de la fraise n'est plus pratiquée dans la paroisse et la Coopérative de fraises est maintenant inopérante et les paroissiens cultivent les fraises seulement pour leur consommation.
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