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BREF HISTORIQUE DE MEMRAMCOOK

Memramcook se dit souvent « Le Berceau de la nouvelle Acadie ». Une telle assertion est fondée sur le fait qu’après le Grand Dérangement de 1755 un grand nombre d’Acadiens se sont établis à Memramcook d’où leurs descendants sont allés fonder d’autres communautés contribuant ainsi à la survivance acadienne.

C’est vers le début du dix-huitième siècle qu’arrivèrent à Memramcook les premiers habitants acadiens. Ceux-ci s’installèrent le long des marais bordant la rivière Memramcook et la rive est de la rivière Petitcodiac. À la veille du Grand Dérangement, vers 1752, Memramcook comptait une population d’environ 250, tandis que la région avoisinante de Beaubassin approchait 3000 personnes.

Un grand nombre des Acadiens de Memramcook et des environs ne furent pas déportés en 1755. Ils s’enfuirent plutôt dans les bois, certains remontant vers le nord et d’autres se cachant dans les forêts environnantes. Menant une existence précaire et périlleuse, plusieurs furent éventuellement fait prisonniers, soit en étant capturés par les soldats anglais, soit en se rendant à ceux-ci pour éviter de mourir de faim.

Une fois prisonniers des Anglais, ces Acadiens de Memramcook (et d’ailleurs) furent détenus dans les forts anglais des maritimes : au fort Cumberland (l’ancien fort Beauséjour), au fort Edward de Windsor, au fort Anne de Port-Royal et à l’Ile George à Halifax.

Quelque dix ans après les événements de 1755, les Anglais, se montrant plus tolérants, donnèrent aux prisonniers acadiens la permission de sortir des forts, leur interdisant cependant de retourner habiter leurs anciennes terres. Malgré cet avertissement, un des premiers groupes à sortir des forts vint s’établir sur la rive ouest de la rivière Memramcook, dans la région qui prit plus tard le nom de Village-des-Leplate (la présente région de La Montain-McGinley). Dans ce groupe se trouvaient cinq frères Richard portant le sobriquet Plate, d’où le nom du village. Avec eux se trouvaient également un cousin Richard et deux fils de Jacques Léger.

Vers 1770, un autre groupe d’Acadiens libérés des forts, vint s’établir au sud des Leplate dans la région du Saint-Joseph contemporain. Ce groupe comprenait principalement deux clans : les Belliveau et les Gaudet. Pierre, le patriarche des Belliveau, portait le sobriquet Piau et c’est pourquoi cette localité prit plus tard le nom de Village-des-Piau. Accompagnant les Belliveau et les Gaudet se trouvaient également des Bourgeois, des Girouard et des LeBlanc. Plus au sud, à l’Anse-des-Cormier moderne, s’installaient à la même époque les deux fils de Pierre Bastarache, et plus tard des Goguen et des Landry. Ces pionniers du village des Piau et de l’Anse sont les ancêtres d’un grand nombre d’Acadiens de Memramcook, des provinces maritimes, du Canada et d’ailleurs.

En même temps un autre groupe provenant principalement du fort Edward s’installait du côté opposé de la rivière en un endroit autrefois appelé La-Pointe-à-l’Ours. Ces nouveaux colons étaient des Dupuis, des Landry, des Bourgeois, des Saulnier, des Breau, des LeBlanc ainsi qu’un autre Richard. Établis principalement dans la région du College Bridge contemporain, ces pionniers de la Nouvelle Acadie ont également aujourd’hui une longue descendance à Memramcook et ailleurs.

Pendant que ces groupes d’Acadiens s’installaient près des marais de la rivière Memramcook, d’autres choisissaient les marais de la rive est de la rivière Petitcodiac. C’est ainsi que prit naissance le futur Gautreau-Village grâce surtout à Cyprien Dupuis et quelques autres arrivés de la Fourche-à-Crapaud (Turtle Creek) vers 1775. Plus tard, les deux frères Gautreau, Pierre et Jean, se joignirent aux Dupuis pour devenir les patriarches de ce village. Nombreux sont les Acadiens qui se disent aujourd’hui descendants de ces premiers habitants de la Petitcodiac.

Plus au sud de l’établissement des Gautreau, la rive est de la rivière Petitcodiac accueillait d’autres Acadiens, pour la plupart alliés, par le sang ou par le mariage, aux premiers arrivés. C’est le cas de Belliveau-Village établi, vers 1780, par les beaux-frères Belliveau, Bourgeois et LeBlanc, de Boudreau-Village et du village des Beaumont établis vers 1782-85 par des Gaudet, des Boudreau, des Gautreau et des Bourque.

Quelque vingt ans après l’arrivée des premiers pionniers, un autre groupe d’Acadiens arrive à Memramcook et s’installe au sud du Village-des-Piau, dans la région de l’Anse-des-Cormier moderne. Ceux-ci, les Cormier, les Landry, les Ouellet et les Vienneau, arrivent des Pays-Bas (la pointe Sainte-Anne) sur la rivière Saint-Jean, ayant été déplacés par les Loyalistes.

D’autres Acadiens s’ajoutent graduellement aux habitants de Memramcook : certains, déportés, revenant du Québec ou de la Nouvelle-Angleterre et d’autres de la Nouvelle-Écosse, principalement de Menoudie.

Le développement de Memramcook s’est réalisé assez rapidement de sorte que la population croissante exigeait bientôt la présence permanente d’un prêtre. Voilà pourquoi, dès 1781, l’évêque de Québec décidait d’ériger une paroisse à Memramcook, sous le vocable de Saint-Thomas. Cette paroisse s’étendait alors de Richibouctou au nord jusqu’à Menoudie en Nouvelle-Écosse. L’abbé Thomas Leroux en fut le premier curé, s’installant au village des Leplate. En 1786, l’abbé Leroux indique qu’il y a 160 familles dans sa paroisse comprenant 960 personnes.

Lorsque les premiers Acadiens arrivèrent à Memramcook après la sortie des forts, ils ne purent prendre possession des terres qu’ils défrichaient car celles-ci faisaient parti de concessions appartenant à des Anglais. D’abord non dérangés par les propriétaires anglais, ils durent plus tard signer des baux les obligeant à payer une rente sous forme de produits agricoles.

Le propriétaire de la concession de la rive est de la Memramcook fut déshérité en 1786 et les Acadiens de cette région purent alors obtenir le titre de leurs propriétés du gouvernement. Tel ne fut pas le cas pour les Acadiens de La Pointe, la région sise entre la rivière Memramcook et la rivière Petitcodiac. D’abord la propriété d’un nommé Joseph Goreham, cette concession fut achetée par Joseph Frederick Wallet DesBarres en 1775 et, à partir de 1784, ces Acadiens durent s’engager dans des ententes qu’ils considéraient exorbitantes. Réclamant que le propriétaire DesBarres ne respectait pas toutes les clauses des ententes, les Acadiens de La Pointe s'engagèrent dans une longue poursuite judiciaire, « la lutte pour la terre », qui ne se termina qu’en 1842 alors que le gouvernement du Nouveau-Brunswick enjoignit aux DesBarres de vendre aux habitants de La Pointe les terres qu’ils occupaient depuis longtemps.

Pendant que se continuait ce débat, la population de la grande région de Memramcook croissait à un rythme prononcé de sorte que bien des Acadiens de Memramcook décidèrent de quitter la place et de s’installer ailleurs, certains étant appréhensifs de la situation par rapport à leurs terres, d’autres se sentant coincés par le manque d’espace le long des marais. C’est ainsi que des Acadiens de Memramcook s’établirent principalement dans les comtés de Kent et de Westmorland pour fonder ou peupler les villages de Barachois, Aboujagane, Cap-Pelé, Grande-Digue, Bouctouche et Richibouctou, pour ne nommer que ceux-ci.

La première vague d’émigration eut lieu vers les années 1786. Les cinq frères Richard, leur cousin du même nom ainsi que des Léger, tous pionniers du Village-des-Leplate, accompagnés des Babineau, allèrent s’établir dans la région de Richibouctou devenant ainsi les ancêtres d’à peu près toutes les familles du même nom du comté de Kent. À la même époque des LeBlanc et des Bastarache quittent également Memramcook pour s’installer sur la rivière Bouctouche. Des Bastarache et des Saulnier émigrent plus au nord dans le région de Tracadie. D’autres Acadiens de Memramcook suivront leur exemple et iront peupler les régions côtières du Nouveau-Brunswick.

En 1810, l’abbé Ciquard, alors curé de Memramcook, indique qu’il y a 158 familles dans sa paroisse, à peu près le même nombre qu’en 1786, reflétant l’exode mentionné plus haut. Vers 1821, un rapport de l’abbé Antoine Gagnon mentionne que 1309 personnes habitent la paroisse de Memramcook.

Après le dénouement du conflit, en 1842, un essor semble se manifester à Memramcook. Déjà en 1840, la construction de l’église en pierre actuelle avait été commencée par l’abbé Ferdinand Gauvreau. Elle ne fut terminée qu’en 1855 par l’abbé Lafrance qui, arrivé à Memramcook en 1852, prenait en charge une paroisse de 4000 âmes. C’est ce dernier qui, en 1854, y fonda le premier collège qu’il nomma le Séminaire Saint-Thomas. Après avoir fermé ses portes, ce collège fut rouvert en 1864 par le père Camille Lefebvre sous le nom de Collège Saint-Joseph.

Le père Camille Lefebvre fut celui qui donna un vrai élan à l’éducation à Memramcook. Il passa au delà de trente ans à Memramcook, étant curé de la paroisse Saint-Thomas en plus d'exercer la fonction de supérieur du Collège qu’il avait fondé. C’est en son honneur, qu’après sa mort, on érigea le Monument-Lefebvre, édifice en pierre reconnu pour l’acoustique exceptionnelle de son auditorium.

C’est au cours de la longue carrière du père Lefebvre qu’eut lieu, à Memramcook, en 1881, la première Convention nationale des Acadiens, organisée principalement par les premiers diplômés du Collège Saint-Joseph. Son président, Pierre-Amand Landry, était natif de Memramcook et un des premiers inscrits au collège.

Le père Camille Lefebvre était membre de la Congrégation de Sainte-Croix. Après la mort de celui-ci en 1895, cette communauté religieuse continua son ministère à la paroisse Saint-Thomas et sa mission première d’éducation au Collège Saint-Joseph, devenu plus tard Université Saint-Joseph. Ce n’est qu’au début du vingt-et-unième siècle que les pères de Sainte-Croix cessèrent leur ministère à la paroisse Saint-Thomas.

Si quelques Acadiens des forts anglais n’avaient pas osé revenir sur leurs anciennes terres de Memramcook après le Grand Dérangement, cette région aurait tout probablement été habitée par des métayers anglais et loyalistes. Memramcook ne serait pas devenu le centre acadien reconnu comme le Berceau de la nouvelle Acadie.

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