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GUSTAVE GAUDET

LA VALLÉE DE MEMRAMCOOK : HIER - AUJOURD'HUI

1984

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L'éditeur tient a remercier les gouvernements du Nouveau-Brunswick et du Canada pour leur contribution au financement de cette publication par l'intermédiaire de la Commission du bicentenaire du Nouveau-Brunswick.

Imprimé par l'Imprimerie Chedik Ltée 

Chapman's Corner, Shédiac, N.-B.

ISBN 0-9691941-0-2

A: Clemence, Rachel et Denise.

Un merci spécial à la Caisse Populaire de Memramcook Ltée pour son aide financier. Je suis fier d'être un de ses membres depuis plus de 30 ans.

PRÉSENTATION

Plutôt que d'écrire ses mémoires personnelles, Gustave Gaudet a voulu nous laisser des souvenirs de la vallée de Memramcook, son lieu natal.

II passe ainsi tous les aspects de la vie autour de lui pour nous laisser des bribes historiques, des données sur la culture matérielle, un aperçu des coutumes et des croyances de l'époque, un tableau des activités qui se sont déroulées autrefois et finalement des éléments biographiques sur les personnalités de son entourage.

Tout ceci quoique teinté d'un sentiment nostalgique de l'empremier, nous laisse entrevoir la vie à Memramcook à la fin du 19e et au 20e siècle. Ce genre de monographie paroissiale, nous vient d'un homme qui regarde Memramcook avec les souvenirs de son coeur.

II est surtout approprié de publier ce livre à l'occasion du bicentenaire de la fondation de cette première paroisse acadienne d'après la déportation.

Memramcook va être le lieu d'interprétation de la survivance acadienne. Le livre de Gustave Gaudet nous donne des éléments de cette renaissance.

Maurice A. Léger, président,

La Société Historique Acadienne

DEDICACE

Je veux dédier ce livre à la mémoire de mon père, Henri J. Gaudet et de ma mère, Vitaline Bourque, qui pendant leur 65 ans de vie de mariage ont été des époux fidèles, de bons chrétiens ainsi que des amants de la petite histoire. Doués tous les deux d'une excellente mémoire, ils se plaisaient à analyser les événements de la vie quotidienne de la paroisse, de la localité, de la parenté, du voisinage et à parler de généalogie. A leur manière, ils ont fait de la petite histoire, de l'histoire locale et paroissiale, l'histoire d'un petit coin de l'Acadie, l'histoire de "chez-nous", la vallée de Memramcook.

En présentant ce livre, il m'incombe de remercier tous ceux et celles qui m'ont fourni des renseignements, des photos et détails sur certains événements qui sont racontés dans les pages suivantes.

Un merci tout spécial au Père Maurice Léger, président de la Société Historique Acadienne qui m'a aidé tout au long de ce travail en plus d'avoir eu l'amabilité d'en faire la présentation. Je veux lui exprimer toute ma gratitude.

Gustave Gaudet.

PREFACE

Un auteur français, Aldéric Cahuet, écrivait dans la préface de son livre:

"Dans la petite histoire d'une vallée, on peut retrouver la grande histoire tourmentée d'un pays, comme l'on voit une goutte d'eau refléter un monde. Un siècle d'événements et de visages s'est projeté sous mon regard, tandis que je rêvais d'écrire ce livre et lorsque je l'eus fini."

Dans les pages suivantes, le lecteur trouvera un siècle d'histoire de la vallée de Memramcook. Comme cet auteur français, j'ai essayé moi aussi d'écrire un siècle d'histoire d'une vallée, une vallée d'Acadie, la belle et grande vallée de Memramcook, la vallée de mes ancêtres, de mes parents, de ma famille, en un mot, ma vallée à moi aussi.

Memramcook a quand même plus d'un siècle d'histoire. Je veux raconter dans ce livre surtout l'histoire des cents quelques dernières années, c'est-à-dire, depuis les années 1854-1864 jusqu'à nos jours. Ce faisant, il faudra parler du bon vieux temps et regarder en arrière. On peut se poser la question: Pourquoi regardons-nous en arrière? Pourquoi trouvons-nous tant de joie et de consolation dans le passé? C'est probablement parce que le temps et la distance nous enchantent. Si on se rappelle le bon vieux temps, c'est qu'on le voit à travers les lunettes roses de la nostalgie. Le "bon" dans le bon vieux temps, semble nous rappeler qu'il y avait plus d'amour que de haine, plus de bonté que de cruauté, plus de décence que de saleté, plus de paix que de violence. II semble y avoir eu moins de scandales. Ce livre se voudrait donc d'être les souvenirs de ce temps-là comparé à nos jours. Ces rappels du passé, à la fois une bénédiction et une malédiction, sont rarement douloureux, parce que nous gardons seulement en mémoire ce qui était bon. L'homme a quand même besoin de ces souvenirs, car ils lui permettent de survivre et de progresser. L'homme est la seule créature dont les sentiments sont entremêlés avec sa mémoire; même les angoisses de sa mémoire sont le prix qu'il doit payer pour les quelques progrès qu'il peut en retirer. Nous ne voulons pas qu'aucune partie de notre vie ne soit vraiment passée. Nous voulons rendre ces souvenirs disponibles aux personnes avec qui nous les avons partagés. Lorsque celles-ci disparaissent, elles finissent par emporter une partie de nous-mêmes. II en est de même pour les objets que nous avons connus et qui ont fait partie de notre histoire et de notre vie, "même la vieille grange".

INTRODUCTION

Faire revivre le passé c'est préparer l'avenir.

Nos ancêtres venaient de l'Europe, plus précisément de la France. Ils sont arrivés dans le Nouveau-Monde avec un riche héritage de traditions religieuses, sociales, économiques et avec leur façon de vivre, de penser, de travailler, de se divertir. Afin de se reconnaître soi-même et bien connaître nos concitoyens, il est nécessaire d'être pleinement sensibilisé à cet héritage transmis par nos ancêtres. La vie et les progrès de l'homme d'aujourd'hui sont révélés par les souvenirs du passé. On peut faire des recherches, on peut fouiller les greniers, on peut explorer le fond des mers, on peut avoir recours aux archives avec ses documents et ses chronologies, mais lorsqu'une vieille personne évoque ses souvenirs d'enfance, c'est elle qui raconte vraiment la vie. Lorsqu'un historien utilise ce qu'il a retrouvé du passé pour retracer la vie des peuples, il écrit ou raconte l'histoire de l'humanité. Le récit des faits est comme un tableau du passé qui doit être colorié par les coutumes et les réalisations, les événements et les habitudes, les façons d'agir et de penser de nos ancêtres.

Roger Duhamel alors qu'il était éditeur du journal La Patrie de Montréal, écrivait vers 1955: "Ce n'est pas mépriser l'histoire que de voir en elle la science de ce qui n'est plus. Elle fournit des indications utiles à qui sait ne pas s'y soumettre servilement et aveuglément. Il est présomptueux d'y découvrir des lois d'une rigueur scientifique, comme en biologie. Elle joue sur trop d'impondérables et c'est pourquoi elle est moins un art qu'une science. L'histoire est utile aux hommes politiques ou publics en ce qu'elle affirme en eux la sensibilité politique; elle constitue aussi un merveilleux laboratoire psychologique. Et pour les personnes comme nous, elle demeure le roman le plus prestigieux de l'humanité."

J'aimerais aussi appliquer les paroles de l'éminent généalogiste, Mgr. C. Tanguay qui disait:

"Entreprenez de raconter l'histoire. Après des années de recherches, vous croyez avoir mis chaque chose à sa place, tirez les conséquences les plus naturelles, les plus légitimes connaissances acquises par vos études, mais vous ne pouvez être en sûreté tant que vous n'aurez pas sondé pouce par pouce le terrain sur lequel vous marchez. Autrement une mine éclatera au moment où vous y pensez le moins, détruisant l'édifice élevé à grands frais. Le personnage que vous faisiez agir à telle époque n'était pas encore né ou se trouvait mort depuis longtemps. Celui que vous faites mourir se trouve encore témoin à une foule d'actes. Vous rapportez à une seule administration ce qui a eu lieu à deux administrations différentes. Quel est l'historien qui peut dire au frontispice de son ouvrage: "Je suis sûr de ne m'être pas trompé?" La seule chose que nous demandons en retour de ce travail, c'est de vouloir bien user envers nous de la plus [7] grande indulgence. Et si d'aucuns s'offusquaient, qu'ils se rappellent cette consigne de Léon XIII: La première loi de l'histoire est de ne pas mentir; la seconde, de ne pas craindre d'exprimer toute la vérité."

"Le propre de l'histoire est de préparer l'avenir, l'histoire est une science qui s'inscrit dans la réalité humaine, c'est l'histoire qui donne une cohérence au présent, à la réalité tout en préparant les bases de l'avenir.

Un sens inné de l'histoire. II en est étrangement de même pour les peuples ... Le culte des traditions, un passé de grandeur ou plus simplement encore un solide fond moral, l'honnêteté, le respect de soi-même valent pour un grand pays ou pour l'individu, ce que valent les racines de l'arbre. Vienne l'heure de la tempête, si les racines sont solides, l'arbre tient bon. La tempête ne nous a pas abattus et voilà pourquoi, demain, le soleil luira de nouveau pour vous."

En effet, c'est toute l'histoire des Acadiens que ces vestiges du passé; c'est la robe du baptême, en passant par toutes les étapes de la vie, jusqu'à la dernière aspersion d'eau bénite avec le goupillon fait de crin, qui se présentent à nos yeux. Ce sont des récits dont la jeune intelligence et la curiosité naturelle de l'enfant sont si friands. Que naît à son insu, le culte si noble et si légitime des aïeux, du passé, de l'histoire et du pays. Plus tard, après avoir grandi dans ce milieu de souvenirs toujours vivaces de patriotisme éclairé, exempt de préjugés et de fanatisme, plus tard, dirons-nous, le jeune homme au coeur bien né et à l'intelligence bien dirigée se prend à redire ces paroles du Lauréat:

"O notre histoire, écrin de perles ignorées"

"Je baisse avec amour tes pages vénérées." [8]

LA VALLÉE DE MEMRAMCOOK

Tout le monde a son histoire; mais comme Médard Léger l'écrivait; "Lorsqu'on parle d'histoire d'une paroisse, ça ne doit pas être seulement un petite tournée parmi les pierres tombales de son cimetière, même s'il est bien rempli. C'est surtout nous amener à réfléchir à ce qu'il y a d'important dans la vie de cette paroisse et de là, du pays." L'histoire du passé de la paroisse de Memramcook est loin d'être terne. Si de nos jours, la vallée est belle et prospère, avec ses belles propriétés, ses maisons pourvues de tout le confort moderne, il ne faut quand même pas oublier que tout a débuté avec les anciennes maisons de "pièces sur pièces" en bois rond, dans lesquelles nos aïeux ont commencé à bâtir la société, la civilisation et l'économie d'aujourd'hui. L'écrivain révolutionnaire Edmund Burke a dit que "ceux qui ne se rapportent jamais au temps de leurs ancêtres, ne pensent guère à la postérité ou à l'avenir."

Qui furent nos ancêtres? Ce ne sont pas seulement nos pères ou nos mères de sang, mais tous ceux qui ont travaillé à l'édification de la paroisse. C'était des petits fermiers, des pêcheurs, des artisans, tous ceux qui abattirent des arbres dans la forêt vierge, pour en faire des cabanes, des chaises, des lits, des traîneaux et des charrettes, des moulins à vent ou à eau, des chaires et des clochers d'église. Nos ancêtres, ce sont tous ces gens dont nous voulons rappeler la mémoire dans ce livre. Tous ceux qui ont vécu alors que les mains Galeuses étaient à l'honneur et que l'on n'avait pas honte de dormir sur un lit de paille et de se mettre sous la tête une oreiller bourrée avec du foin de pré. Les hommes et les femmes dont nous évoquons la mémoire, ont payé cher de leur personne et de leurs peines pour faire de Memramcook ce qu'elle est aujourd'hui.

Le Père Anselme Chiasson écrivait: "L'histoire surtout pour nous Acadiens, est un facteur d'éducation nationale." C'est évident. Je ne veux pas insister là-dessus. L'Acadien qui connaît l'histoire de ses ancêtres ne peut pas ne pas être fier d'être acadien et résolu de prendre les moyens de rester fidèle à sa race, i.e., catholique et français. Tandis que le pauvre Acadien qui ignore tout de son histoire, n'a aucune fierté de lui-même et des siens. Un complexe d'infériorité le domine et finit par en faire un lâcheur. Avec quel propos s'applique à nous ce qu'écrivait un jour Mgr. Paquet dans ses "mélanges Canadiens". "La sève du présent s'élabore dans les racines profondes du passé." Du passé, fécondé par la sueur et le sang, monte une génération vigoureuse, du passé, surgissent des leçons et des exemples, des expériences et des lumières. Le passé est l'école de respect, de fierté, de constance, de magnanimité et de courage. Au souvenir de ceux qui nous ont façonné en ce que nous sommes, au spectacle du travail qui a marqué leur vie et à la pensée des vertus qui les ont portés jusqu'à l'héroïsme. C'est sur cela qu'a été édifié la patrie, c'est pourquoi nous aimons ce sol que nous foulons parce qu'il a été le théâtre, à la fois obscur et glorieux de tant de luttes, de tant de labeurs et de tant de souffrances.

En présentant son livre "Le Grand Chipagan", Mgr Donat [9] Robichaud, nous dit que la motivation principale de cette publication était de dire aux gens de chez nous qui ils sont et d'où ils viennent. II a voulu illustrer comment il arrive qu'un peuple perde son âme en oubliant ses origines, ses coutumes, sa langue jusqu'au vrai nom de sa famille. II veut aussi témoigner d'un mode de vie en voie de disparition. II souligne à ce propos "que les enfants n'ont plus le temps d'écouter ce que disent les vieux". Pour cette raison, il est important de recueillir maintenant tous les éléments possibles de notre petite histoire. En ce sens, dit-il, il serait a souhaiter que les cours d'histoires acadienne, maintenant enseignés dans les écoles suscitent chez les jeunes ce goût de découvrir leurs racines profondes.

Dans le dernier chapitre intitulé "Peuple sans histoire", du livre du Frère Marie Victorin, "récits Laurentiens", l'auteur raconte qu'un soir, Lori Durham, haut commissaire impérial et Gouverneur général de l'Amérique Britannique du Nord, dans un rapport qu'il faisait au Gouvernement de sa Majesté à Londres avait écrit en parlant des colons français "Ils sont un peuple sans histoire." Sur cette dernière phrase de son rapport, Lord Durham s'endormit à sa table. Quelques instants plus tard, une jeune fille de service, dans le château Haldimand, qui apportait sur un plateau le thé et les pâtisseries légères que tous les soirs, son labeur achevé, le gouverneur prenait avant de se retirer, avait par curiosité, jeté un coup d'Sil sur cette feuille. Soudain son fin visage se contracte et elle pâlit. Elle vient d'arriver aux lignes sur lesquelles le gouverneur a laissé tomber sa plume. Là, presqu'en haut d'une page, elle lit et relit ces mots tracés d'une écriture anguleuse et hautaine qui sue l'orgueil et le mépris: "Ils sont un peuple sans histoire." Tremblante de colère, Thérèse Bédard, c'était son nom, fille de patriote, saisit la plume qui a roulé là sur le papier; elle la plonge, fébrile, jusqu'au fond du grand encrier d'argent; et d'une main assurée, celle même dont les ancêtres savaient conduire la charrue et tenir l'épée, elle écrit sur la page inachevée ces mots "Thou liest, Durham" - "Madeleine de Verchères." Puis emportant le plateau, elle sort sans bruit.

Si Lord Durham ou autres représentants de Sa Majesté Impériaie en faisant rapport à Londres, osaient écrire de nos jours, en parlant de la paroisse de Memramcook, "C'est une paroisse sans histoire", les premiers colons, les pionniers, ces centaines d'habitants qui l'ont fondée, défrichée, cultivée, bâtie dès 1700, les milliers qui l'habitent aujourd'hui et les 42 prêtres et religieux, les quelques 165 soeurs et religieuses, les 21 médecins, 6 dentistes, 7 avocats, 4 agronomes, les ministres du cabinet provincial et fédéral, 2 sénateurs, 12 députés, 3 ingénieurs, les quelques 200 institutrices et instituteurs et des centaines d'hommes et de femme qui se sont signalés dans le commerce et l'industrie, dans les organisations locales ou nationales, tous et chacun auraient pu et pourraient écrire comme jadis Thérèse Bédard, "Thou liest Durham et compagnie."

La paroisse de Memramcook a une histoire bien à elle. Un politicien, en parlant de la Province de Québec a dit un jour "La province de Québec n'est pas une province comme les autres." On pourrait [10] appliquer cette citation à la paroisse de Memramcook et dire qu'elle n'est pas une paroisse comme les autres parce qu'elle a son histoire qui est différente des autres â plusieurs points de vue. Elle a des titres et des loires qui lui sont propres. Elle est l'aîeule des paroisses de cette partie du pays et elle conserve toujours sa vigueur et sa vitalité. C'est elle, qui a envoyé de ses fils et filles fonder les paroisses de Barachois, Aboujagane, Cap-Pelé, Shemogue, Cocagne, Bouctouche, Sainte-Marie, Saint-Paul et combien d'autres encore. Elle a été érigée en 1781, avant Caraquet en 1784 et Saint-Basile 1792. Elle a donné à l'Eglise, deux congrégations : Les Soeurs de Sainte-Famille fondées en 1874 par la Révérende Soeur Marie Léonie, congrégation transférée à Sherbrooke en 1895 et la Congrégation des Religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur en 1924.

Antonine Maillet dans son livre "L'Acadie pour quasiment rien" en parlant de Memramcook écrit:

"La vallée de Memramcook, de toutes les vallées du pays, ce sera sinon la plus belle, au moins la plus acadienne. On l'appelle le berceau de la nouvelle Acadie. Un peu parce qu'une vallée est toujours le berceau de quelque chose. Témoins la Vallée du Nil, la Vallée du Tigre et de l'Euphrate. De même celle de Memramcook. C'est là, qu'en rentrant de Virginie, de Louisiane et de la Nouvelle-Angleterre, les Acadiens ont fait souche à la fin du XVIII siècle. L'arbre a grossi et les graines ont volé partout en Acadie. C'est qu'il vous fait de ces vents dans la vallée. Memramcook trouve même exagéré les vents qui ont déraciné ses collèges et institutions pour les transplanter à Moncton. Pour une mère-patrie, elle n'a pas gardé grand chose, à son avis. L'Acadie est, au contraire, toute rouge de bons sentiments envers sa mère, Memramcook. II n'y a pas une famille du pays qui ne se glorifie d'au moins quatre quartiers d'une origine memramcookoise. Je défie tout autre village, le mien compris, de prétendre à une telle progéniture."

Pascal Poirier, lui, dans son livre "Le Père Lefebvre et l'Acadie" décrit la rivière de Memramcook comme suit:

"Au milieu de la prairie serpente, semblable à un ruban mille fois replié sur lui-même, la rivière, cours d'eau à fleur de marais, qui se vide tout à fait et s'emplit jusqu'à ses bords, deux fois toutes les vingt-quatre heures. Elle n'est pas précisément belle la rivière de Memramcook, empêtrée qu'elle est dans sa vase à marée basse et toute gonflée avec le flux de la Baie de Fundy, d'une eau plus jaune que celle du Missisippi ou du Tigre, le fluvieux Tibius des Romains."

La rivière de Memramcook, la rivière chocolat, n'a pas la majesté de la rivière Saint-Jean, ni les eaux claires et salées de la Baie-des Chaleurs, ni la limpidité des eaux de la baie de Caraquet ou le bleu azur du détroit de Northumberland, mais en serpentant la riante vallée de Memramcook, elle donne à la paroisse au attrait spécial que l'on ne rencontre en aucun autre endroit au Nouveau-Brunswick. En effet, pour le [11] touriste ou pour l'habitué aux beautés de la vallée, il n'y a pas de plus beau spectacle que d'arriver au haut de la Hêtrière à la sortie du portage de Moncton sur la route 6, par une fin d'après-midi chaude du mois de juillet de contempler le panorama qui s'étale à nos yeux. Aussi loin que s'étend la vue, une vaste étendue de verdure. Du côté est, sur une élévation, on y voit la petite église blanche de Lourdes (village de bois), plus à l'est au loin, les bâtiments gris du pénitencier à Dorchester. En deçà, dans la même direction, le clocher de l'église Saint-Thomas de Memramcook, à côté les bâtisses de l'Université Saint-Joseph, aujourd'hui l'Institut de Memramcook, plus à droite vers l'ouest, le coquet petit village de la Montagne.

LE SITE DE MEMRAMCOOK

Memramcook est situé dans le comté de Westmorland, à l'ouest de la paroisse religieuse de Saint-Anselme et de la rivière Petitcodiac, avec la paroisse religieuse de Scoudouc et la paroisse religieuse de l'Aboujagane à l'est, et au sud le village et la paroisse de Dorchester.

Le nom "Memramcook" est tiré de la langue Micmacs et signifie "rivière croche" *. [12]

*[Si l'on considère qu'à peu près toutes les rivières du monde sont "croches", il faut se demander si ceci est exact. Nous savons par contre, d'après une ancienne carte contenant les noms de localités Mi'kmaq, que la rivière se nommait Amalamkuk et qu'il existait une localité du nom de Amlamkuk sur la même rivière. La Pointe de terre, sise entre les deux rivières, se nommait Amlamkuk Kwesawek, qui se traduit à peu près comme "le delta où les eaux multicolores se rencontrent"]

LA TOPOGRAPHIE

Sans aucun doute, la paroisse de Memramcook est une des belles paroisses du Nouveau-Brunswick. C'est aussi l'avis de tous les voyageurs et les connaisseurs. Cette vallée a un cachet qu'on ne trouve nulle part ailleurs dans la province pittoresque du Nouveau-Brunswick.

Cette étendue de terrain bordée par la rivière Petitcodiac comprend les villages suivants: Le village des Taylors, l'anse des Cormier (Cormier's Cove ou Cul de Sac), le village Saint-Joseph (village des Piaux), village des Pierre à Charlitte, village des Pierre à Michel (Belliveau Village), Le Cap, les Beaumont, village de la Pré-d'En-Haut, le village des Gautreau, le village de la "Montain", le village de Dover, la Hêtrière, le chemin de Shédiac, le village de McGinley's Corner, le village de College Bridge, du Ruisseau, le Lac, Memramcook, le village des "Saguenays" (Gayton's), le village du bois (Notre-Dame-de-Lourdes). Ces villages ne formaient qu'une seule paroisse jusqu'à séparation de ceux-ci par la création de la paroisse de Pré-d'En-Haut fondée en 1940 et de celle de Lourdes en 1960.

LE CLIMAT

On a dit que le climat du Nouveau-Brunswick est le plus salubre au Canada. La température y est comparativement moins rigoureuse; les froids de l'hiver et les chaleurs d'été bien plus tolérables. En été, les vents sont très fréquents et les nuits généralement très fraîches. A Memramcook, entre autre, les soirées, nuits et matinées froides sont communément dûes à une brume épaisse, salubre du reste, que la baie de Fundy projète devant elle jusqu'à 20 et 30 milles. Cette brume qui se termine par une rosée qui dure tard dans la matinée, jusqu'à ce que les rayons du soleil la sèche, cause un peu de difficultés lors de la récolte du foin. L'hiver, dans la paroisse, commence rarement pour de bon avant le mois de janvier. Par contre, les printemps sont très souvent tardifs.

DÉBUTS DES FAMILLES À MEMRAMCOOK

Parmi la grande quantité de documents et de notes que Placide Gaudet, le grand historien et généalogiste acadien a laissés, on trouve ce qui suit concernant le rétablissement de Memramcook:

"C'est près du pied des marais sur la terre qu'occupe aujourd'hui Eustache à Toussaint Gaudet, en face du Collège Saint-Joseph que les 6 chefs de famille se fixèrent dans un rayon d'environ 200 pas. Ces premiers colons permanents à Memramcook après le traité de Paris sont: Pierrotte à Pitre Gaudet, époux de Madeleine Aucoin, Jean à Pitre Gaudet, son frère Bonaventure LeBlanc, époux de Rosalie Belliveau, Joseph LeBlanc, époux d'Agnès Belliveau, Charlotte LeBlanc, époux de Théotiste Belliveau et Joseph Granger dit Don Jacques, époux [13] de Marie Madeleine Gaudet, fille de Pierrotte à Pitre Gaudet. Ces 6 familles avant de venir à Memramcook avaient séjourné 7 à 8 ans à Beauséjour et Peziguit."

Des liens de parenté existent sans exception dans chacun des groupes. Des villages entiers sont constitués uniquement de parents. Dans certains cas, trois frères vont épouser trois soeurs (Hypolite, Narcisse et Dominique LeBlanc, épouseront trois soeurs, 3 Boudreau) et dans d'autres cas sept soeurs d'une même famille (e.g. Pierre Belliveau, Memramcook-Ouest) vont se marier à 7 frères et s'établiront dans le même village que leur beau-père.

"Un chef de file semble toujours se dégager d'un groupe (pourrions-nous parler de patriarche?) à qui les autres s'adressent. Celui-ci peut être soit le père, soit le gendre, le plus instruit de cette cellule familiale. A Memramcook-est, ce chef c'est Olivier Boudreau, à Memramcook-ouest, c'est François Cormier."

SITES HISTORIQUES ET AUTRES FAITS SUR MEMRAMCOOK

(Un dépliant publicitaire émis en anglais par la Chambre de Commerce de Memramcook, intitulé "An Invitation to Memranecook" relate des faits historiques en y décrivant les sites. En voici une traduction.)

La vallée de Memramcook est une des plus vieilles localités du Nouveau-Brunswick. Des millions d'années passées, mère nature a sculpté cette vallée sur trois principales formations géologiques. La formation sableuse (sandstone) sur la pointe de Beaumont, les carrières (quarries) ont été exploitées pendant les années 1850 à 1900. Le lit d'huile ("bituminous shale") attend encore le prospecteur chanceux qui l'exploitera. La troisième formation se compose de granit pré-cambrien et est présentement en train d'être exploitée.

Memramcook, un nom sauvage qui signifie, rivière croche ("winding river") a été la scène de plusieurs événements historiques qui valent la peine d'être mentionnés. Memramcook fut le site de plusieurs lieux de campements indiens micmacques. II y a aussi les ruines d'un vieux fort français nommé "De la Gallisonnière" et un champ de bataille à Memramcook-ouest qui date de la déportation des Acadiens en 1755.

A Rockland, il y a le site où a été bâti une des premières églises construites au Nouveau-Brunswick. De plus, en 1854, Memramcook a été le site du premier centre d'éducation française dans les Maritimes, le petit séminaire Saint-Thomas.

La croix de fer illuminée qui domine la vallée indique l'emplacement d'une deuxième église bâtie en 1782, avec son cimetière. L'église paroissiale actuelle en pierre, bâtie en 1841 * , a été modelée dit-on d'après une vieille cathédrale.

*[La construction de l'église débuta en 1840 et l'église ne fut terminée qu'en 1855, la bénédiction officielle ayant lieu le 15 août 1856].

Le chemin de fer qui traverse la vallée est la seule voie ferrée qui traverse tout le Canada.

En 1881, Memramcook a été la scène de la première convention [14] nationale, regroupant le peuple Acadien après des centaines d'années d'isolation.

La paroisse a donné naissance à deux congrégations religieuses: "Les Petites Soeurs de Sainte-Famille" et la "Congrégation Notre-Dame du Sacré-Coeur" composées de centaines de membres et répandues à travers le monde. [15]

L'Institut de Memramcook incorporé récemment est le premier centre d'éducation adulte du genre au Canada.

Le Mont, Memramcook-est (Notre-Dame-de-Lourdes) à 250 pieds au-dessus du niveau de la mer est une localité prospère divisée par la route transcanadienne.

Au village de Beaumont, se trouve la vieille église bâtie en 1842 sur le site d'une réserve indienne micmacque. Une cinquantaine de maisons furent construites dans ce village lorsque la carrière était en production. Mais la plupart sont disparues aujourd'hui.

FONDATION

En 1941, l'Ordre Social, journal hebdomadaire de Moncton, publiait "Quelques mots sur Memramcook" par Henri P. LeBlanc, m.a.

Comme l'année 1941 marque le soixantième anniversaire du choix de l'Assomption comme fête nationale des Acadiens, et vu que ce choix fut fait lors d'un congrès tenu à Memramcook, il convenait de ne pas laisser finir cette année jubilaire sans faire l'historique de cette ancienne paroisse si méritante. Grâce à l'obligeance de notre distingué compatriote, M. Henri P. LeBlanc, qui possède de précieux documents sur l'histoire acadienne, nous commençons aujourd'hui la publication de "Notes sur Memramcook". Nous offrons nos sincères remerciements à M. LeBlanc et nous sommes certains que son travail intéressera vivement nos lecteurs.

On remarquera que M. LeBlanc adopte, pour sa paroisse natale, une orthographe qui diffère de celle communément en usage chez nous. II s'accorde en cela avec feu M. Placide Gaudet, le savant généalogiste acadien. II faut admettre que cette orthographe (c-o-u-k) est parfaitement conforme à la prononciation. - (Note de la Rédaction).

Vu que la paroisse Saint-Thomas de Memramcook célèbre cette année le soixantième anniversaire du choix de Notre-Dame de l'Assomption comme Patronne des Acadiens, j'ai pensé que les notes suivantes seraient d'un intérêt tout particulier. Ce sera ma contribution à la célébration, comme enfant de la vieille paroisse acadienne de Memramcook.

Je tiens à prévenir le lecteur que j'ai puisé mes renseignements dans de vieux documents, probablement inédits, jetés sur brouillon, il y a bien longtemps, par Monsieur Placide Gaudet, également enfant de Memramcouk.

La fondation de notre vieille paroisse date de l'année 1700. C'est, très certainement, un des plus anciens établissements acadiens de la province actuelle du Nouveau-Brunswick. A cette époque, l'Acadie était encore sous la domination de la France.

Evidemment, la population de Memramcouk n'augmentait point rapidement, puisqu'en 1752, il n'y avait que 151 familles dans cette localité. Les habitants longaient la Rivière de Memramcouk. Les noms de ces familles de pionniers étaient; 6 Blanchard, 4 Richard, 2 Lanoue, 2 Dupuis, 2 Benoît, 5 Landry, 2 Aucoin, 1 Maillet, 3 Girouard, 1 Forest, 1 [16] Gaudet, 2 Thibodeau, 1 Daigle, 1 Savoie, Robichaud, 1 Bastarache, 7 Hébert, Deslaurier dit Babineau, 4 Cyr et 1 Bourque.

Ces colons étaient établis du côté est de la rivière, ou du côté de College-Bridge.

De 1752 à 1755, ce premier groupe fut considérablement augmenté par l'arrivée des Acadiens de Port-Royal, (Annapolis-Royal), des Mines, de Pigiguit (Windsor), de Beaubassin, (Amherst).

Autrefois, on pouvait encore apercevoir les traces des habitations rustiques de ces pionniers. Ainsi, sur le site même où est le Pénitencier de Dorchester était la résidence d'Alexis Landry. Un peu plus loin, toujours en remontant la Rivière, tout près de la Pointe-aux-Boulots, en arrière d'une école qui se trouvait en face d'une église baptiste, se trouvait la demeure de Pierrotte à Pitre Gaudet. Avant la Dispersion, c'était là le désert à Pierrotte-à-Pitre. Tout près de ce désert, les deux Dupuis, père et fils, s'étaient établis.

Première église

La Pointe-aux-Boulots était tout près du pont de Rockland. (Lower Dorchester), mais au nord de ce pont. C'est en ce lieu qu'était la première église de Memramcouk. Elle n'était qu'à quatre milles de Dorchester érigée sur un lopin de terre situé près de ce qui est aujourd'hui la route principale. Un Monsieur Martin Black construisit, plus tard, son habitation en face des ruines de cette église qui fut détruite "à l'automne de 1755 par les troupes néo-anglaises".

Changements de noms

Afin que le lecteur puisse mieux suivre les différentes localités de Memramcouk où s'établirent les premiers Acadiens, il sera utile de dénoter quelques anciens noms avec leurs nouveaux noms.

Avant l'Expulsion, Palmers Road était le Ruisseau de Port-Roval, tandis que Aeron Brownell's Creek s'appelait le Ruisseau-à-Granger.

La chasse à l'Acadien

L'histoire a révélé les procédés cruels des auteurs du Grand Dérangement. En ces jours éloignés, les préjugés religieux étaient très forts en Europe comme en Amérique. Comme toujours, la victime fut le faible. En Acadie, la victime fut l'Acadien.

Lorsque Cornwallis fut envoyé par la Couronne britannique pour fonder Halifax, en 1749, il avait ses instructions, datées du 29 avril 1749. Elles étaient signées par le Souverain d'Angleterre. Dans l'Article 49, il est question du "dessein de convertir les dits habitants français à la religion protestante et de faire élever leurs enfants dans les principes de ce religion..." L'Article 50 ajoute: "C'est aussi Notre volonté et plaisir que vous accordiez aux habitants français qui embrasseront de temps en temps la religion protestante, une concession des terres qu'ils cultivent [17] actuellement &" Puis l'article se termine par ce conseil: "Et en vue d'amener lesdits habitants à se soumettre à Notre gouvernement vous êtes requis d'encourager autant que possible les mariages entre eux et Nos sujets protestants."

Ces instructions expliquent bien des choses. Elles projettent des rayons lumineux sur les événements qui ont précédé la Dispersion, sur la cruauté qui l'a accompagnée et sur la chasse à l'Acadien qui l'a suivie. Certains auteurs du Drame Acadien ont parfaitement résumé le véritable but de cette ignominie: déraciner les Acadiens du sol de l'Acadie.

Ainsi, après la Dispersion, le Major Frye avait dévasté leurs habitations à Chipoudie, Petitcoudiac et Memramcouk; Monckton avait détruit celles de Tintamarre, d'au Lac, de Beauséjour et de la Baie Verte; Winslow et Osgood avaient rasé les établissements de la Grand-Prée, Rivière-des-Mines, Rivière-des-Gaspareaux, Rivière-aux-Canards et Cobéguit; Murray avait détruit les habitations de Pigiguit, tandis que celles de Port-Royal avaient été incendiées par Handfield et Adams.

Malgré les déprédations des troupes de Monckton et de Frye, il avait encore, en novembre 1759, 190 personnes acadiennes, hommes, femmes et enfants le long des rivières Memramcouk et Petitcoudiac. Cette population vivait, comme bien l'on pense, dans un état d'extrême pauvreté. Son état pitoyable n'empêcha pourtant point les soldats anglais de lui faire la chasse sans trêve ni pitié.

L'Histoire nous enseigne que, lors du Grand Dérangement, en 1755, les Acadiens reçurent ordre du Colonel Monckton de se rendre au Fort Beauséjour. Or, un bon nombre de ceux de Memramcouk s'enfuiren chez ceux qui étaient établis sur la Rivière Petitcoudiac. D'autres se réfugièrent au Village des Babineau, aujourd'hui Coverdale, situé à cinq milles en haut de Moncton. Quelques-uns s'en allèrent au nord du Nouveau-Brunswick actuel. Un bon contingent se rendit sur la Rivière Saint-Jean d'où il poursuivit sa marche jusqu'à Québec. Le reste de la population acadienne traversa à l'lie Saint-Jean ou bien se cacha dans la forêt.

A l'automne de 1759, les proscrits qui vivaient péniblement cachés en quelques misérables gîtes dans ce qu'ils pensaient être l'Acadie Française, décidèrent de se rendre aux Anglais. Ils firent leur soumission à l'autorité anglaise sur l'avis de leurs deux missionnaires: l'abbé Manach, à Miramichi, le Père Germain, à la Rivière Saint-Jean, pour le NouveauBrunswick, et l'abbé Maillard, au Cap Breton.

A cet effet, les Acadiens conclurent des accords avec le Colonel Frye qui consentit à recevoir 63 de leur nombre au Fort Beauséjour, maintenant Cumberland, pour y hiverner. Le Colonel permit aux autres Acadiens d'occuper les habitations qui avaient échappé à la torche incendiaire des Anglais, à Memramcouk et à Petitcoudiac. C'était, en réalité, un nouveau guet-apens. En effet, l'été suivant, il s'empara d'un bon nombre d'entre ceux-ci et les envoya prisonniers à Halifax et au Fort Edward à Pigiguit (Windsor). II retint les autres à Beauséjour.

Le 6 février 1760, les Acadiens de la côte nord du Nouveau-Brunswick, en conformité avec le désir de la grande majorité et le conseil [18] des missionnaires, se rendirent à la Baie-Verte et à Beauséjour, tel qu convenu, pour compléter l'acte de soumission. Ils furent traités de même manière que les Acadiens des environs de Beauséjour dont nous venons d'exposer le sort.

Le Traité de Paris fut conclu, entre la France et la Grande-Bretagne le 10 février 1763.

L'année suivante, le Gouvernement de Londres donna instructions au Gouverneur de la Nouvelle-Ecosse, qui comprenait le Nouveau-Brunswick actuel, de permettre aux Acadiens de s'établir dans le pays à condition qu'ils prennent le serment d'allégeance à la Couronne britannique.

Une Commission du Conseil fut nommé pour définir les limites des terres et déterminer les localités où l'on permettraient à ces pauvres infortunés, dépourvus de tout, de vivre désormais. Les conditions préparées par cette Commission, étaient inacceptables aux Acadiens. Ceux d'Halifax et des environs obtinrent la permission de s'en aller. C'est ce qu'ils firent à leurs propres dépens.

En 1765, le Gouvernement divisa en "Townships" ce qui est aujourd'hui le comté de Cumberland, en Nouvelle-Ecosse, et celui de Westmorland, au Nouveau-Brunswick. Cet immense domaine, habité par les Acadiens, avant la Dispersion, devait d'après l'infame plan de Shirley et de Lawrence, passer aux mains des spoliateurs. Ce devait être leur récompense. C'est pour cela que l'Autorité Britannique avait confisqué les terres et habitations des Acadiens, avant le Grand Dérangement.

II faut ajouter, cependant, que le Gouvernement avait imposé aux concessionnaires certaines obligations afin d'éviter trop d'abus. Le grand et pratique désir du Gouvernement était le défrichement et la culture de terres concédées. En un mot, il voulait des habitations pour remplacer celles des Acadiens qu'il avait exilés au profit des Anglais protestant venus de la Nouvelle-Angleterre ou de la Grande-Bretagne. C'était le programme.

Sur ces entrefaites, quelques centaines d'Acadiens se décidèrent de quitter la Nouvelle-Angleterre pour revenir vivre et mourir en terre acadienne. Au printemps de 1766, ils commencèrent leur long et bie pénible voyage à travers les 550 milles de forêts vierges qui séparent Boston de Memramcouk. Découvrons-nous devant cette caravane de proscrits qui préfèrent la mort, s'il le faut, à la continuation de la vie misérable qu'ils ont menée, en exil, depuis dix longues années!

Pendant le trajet, ces victimes de Lawrence eurent la grande douleur de voir la mort leur ravir quelques compagnons ou compagnes de malheur. Enfin, après plus que quatre mois de marche, ces exilés exténués et affamés arrivent à l'ancien Village des Babineau, aujourd'hui Coverdale, à cinq milles de Moncton. Là, sur la rive de la Rivière Petitcoudiac, ils rencontrèrent des compatriotes sympathiques qui les reçurent à bras ouverts. "C'est là qu'était le Petitcoudiac dont parlent les veillards d'aujourd'hui". Des Acadiens y résidèrent de 1755 à 1800.

L'histoire nous dit qu'un nombre des Acadiens arrivés de la Nouvelle-Angleterre, après s'être reposés pendant quelques jours [19] poursuivirent leur marche jusqu'à la Baie Sainte-Marie où ils ont fait souche.

Etablissement de Memramcouk

L'établissement de Memramcouk, après la Dispersion, date de l'année 1768. Pendant cette année-là, 6 chefs de famille s'installèrent sur un lopin de terre d'une grandeur d'à peu près 200 pas, "près du pied du marais", en face de l'Université Saint-Joseph, sur l'ancienne terre d'Eustache à Toussaint Gaudet.

Un autre groupe, des Richard, nommés Janis et Plates, s'établit au Village-des-Plates. D'autres Acadiens se fixèrent en bas de l'église, depuis la résidence de Joseph Belliveau jusqu'au Village des Taylor. Un dernier groupe était à McGinley's Corner jusque chez Moïse à Etienne Cormier.

Avant le Grand Dérangement, d'après la tradition, il n'y avait point de colons établis plus haut que les Chemin de la Montagne, chez Alphé à Gabriel Léger, où est le vieux cimetière. De là en descendant jusqu'au Village des Taylor, il y avait un bon nombre d'habitations. On ne connait pas le nom de ces Acadiens. II semble que la plus forte partie de la population se trouvait à partir du Village-des-Plates jusqu'au Village-duCul-de-Sac ou Anse-des-Cormier. Au Village-des-Richard, dit La Plate, étaient quatre frères: Jean, Michel, Joseph et François.

A l'endroit où est actuellement le Couvent des Soeurs de la SainteFamille, "demeurait un Acadien portant le sobriquet de Pétard. On a longtemps appelé cet endroit, la Butte-à-Pétard."

Le monticule sur lequel était "la commune" de la Butte-à-Pétard couvrait une superficie de terre de 38 1 /2 brasses de longueur sur un mille et demi de profondeur. Voici les noms des sept propriétaires primitifs de la Commune: Pierrotte-à-Pitre Gaudet, Jean-à-Pitre Gaudet, Joseph Grangé, dit Dom Jacques, Bonaventure LeBlanc, Charlitte LeBlanc, Joseph LeBlanc, dit Coujo, Pierre Belliveau, dit Piau.

Ces familles s'établirent dans un rayon de 3 à 4 arpents carrés. La résidence de Pétard était en face du vieux Collège construit en 1864. Le lot de terre à Joseph LeBlanc, dit Cartel, était voisin de celui de feu Dominique à Joseph Gaudet. Cartel était le fils de Charlitte LeBlanc, dit Le Fort, Joseph à Bonaventure LeBlanc, dit Bounan, avait un lot de terre situé entre la Commune et le lot de Cartel. L'Université Saint-Joseph est situé sur l'ancienne terre de Joseph à Bounan LeBlanc.

D'après une bien ancienne tradition, il semble qu'une partie des marais qui sont en face de l'Université et de l'église Saint-Thomas, fût endiguée avant la Dispersion. Les levées auraient été faites par les premiers colons qui étaient établis aux environs de l'église actuelle. Dans ce cas, c'eût été une partie du grand projet de l'abbé Leloutre.

Village des Piaux.

Au nombre des Acadiens qui abandonnèrent Tintamare, après [20] 1760, pour s'installer dans la belle vallée de Memramcouk, étaient un Pierre Belliveau, dit Piau, et son fils Joseph. Ainsi que nous venons de le voir, Pierre s'établit dans la Commune de la Butte-à-Pétard. Depuis ce temps, les anciens désignaient le village de l'église sous le nom de Village-des-Piaux.

Village des Pierre à Michel.

D'où vient le nom de Pierre à Michel? C'est encore la tradition qui nous répondra. II y avait deux frères, Pierre et Michel Vincent. Ils étaient mariés aux deux soeurs. Un jour, les deux frères engendrèrent querelle à propos d'une source, au grand scandale des vieux Acadiens d'alors. Désormais, en souvenir de cette chicane, les vieux désignèrent ce village sous le nom de Pierre-à-Michel et Michel-à-Pierre. Evidemment, le premier nom demeura.

Les premiers habitants qui s'y établirent, après la Dispersion, furent Pierre Belliveau, dit Piau, de la Butte-à-Pétard, son fils Joseph Belliveau, dis Jos Piau, Joseph Bourgeois, Aimable Richard, Isaac LeBlanc. Plus tard, le Village des Pierre-à-Michel fut souvent appelé Village-des-Jos-Piaux.

Côté Est de la rivière de Memramcouk.

Nous avons déjà dit un mot du Désert à Pierrotte-à-Pitre, pas bien éloigné de la Pointe-aux-Boulots.

Vers 1768, un Pierre LeBlanc, le vieux, s'installa sur la terre autrefois occupée par deux Dupuis, tout près de la Pointe. II obtint la concession de cette terre le 10 octobre 1786.

Peu de temps après son établissement, les Acadiens de la Baie Sainte-Marie vinrent enlever, pendant la nuit, deux chaudrons à sucre qui étaient enfouis sur la terre tout près d'une source.

En bas de l'habitation de Pierre LeBlanc était un grand marais qu'on a longtemps appelé le Marais des LeBlanc, parce qu'il appartenait, en partie, aux frères LeBlanc. "Ce marais avait été en partie endigué par les premiers colons de l'expatriation."

A une courte distance de là était la résidence de René Forest. Elle était située tout près du Ruisseau-Forest. Plus tard, Joseph Breau s'établit en ce lieu et on changea le nom de Ruisseau-Forest à celui du Ruisseau-des-Breau et, finalement, ce fut Palmers Pond.

Du même côté de la Rivière de Memramcouk, un peu plus haut que la gare de Memramcouk, il y avait une pointe de marais, autrefois la propriété de Jim Sherry. Dans l'ancien temps, c'était la Pointe-à-René-Daigle.

Entre 1768 et 1770, des Acadiens de Pigiguit, (Windsor), arrivèrent non seulement à Memramcouk, mais au Ruisseau-des-Renards, à Menoudie et à Nanpanne. Ces établissements, et d'autres, faisaient partie de la Paroisse de Saint-Thomas de Memramcouk. II était donc bien vaste le champ d'action du curé missionnaire de cette paroisse. [21]

Les Acadiens qui s'établirent du Côté Est de la rivière, vers 1770, et qui venaient de Pigiguit, étaient: Benjamin Bourgeois, Réné Landry, Petit Jean Landry, Petit Joseph Dupuis, Pierre-Victor LeBlanc, Louis Allain, Charles LeBlanc, Chariot Saulnier, Jason à Chariot Saulnier, Joseph Breau. (Pierre-Victor LeBlanc avait avec lui son fils Joseph, né vers 1764 et qui décéda le 2 mars 1855).

Vers 1771, deux autres familles arrivèrent et s'installèrent auprès des 10 premières: Réné Richard et Olivier Boudreau.

En 1777, un groupe de 10 nouvelles familles se joignirent à celles qui les avaient précédées.

Trois ans plus tard, partant en 1780 Simon LeBlanc, Jean Comeau et Pierre LeBlanc quittent également Pigiguit pour venir s'établir sur la rive Est de la rivière de Memramcouk.

Tous ces Acadiens sont des victimes du Grand Dérangement, l'oeuvre néfaste de Lawrence, de Shirley et de leurs accomplices. Elles cherchaient donc un asile plus hospitalier que Pigiguit.

Naturellement, ces proscrits et fils de proscrits ne trouvèrent que ruines dans la fertile vallée de Memramcouk. La misère les menaçait toujours. Ils s'en rendaient bien compte. Mais, ce que ces pauvres Acadiens ignoraient, c'est que les terres où ils étaient à peine installés avaient été concédées, dès 1765 à des Anglais du pays. Quoiqu'il en soit, il est probable que les Acadiens qui prirent des terres à Memramcouk le firent avec l'approbation de l'Autorité Britannique. D'ailleurs, le Gouvernement savait bien que les concessionnaires anglais, dont nous avons déjà parlé, n'avaient point rempli les conditions exigées lors de la concession. De plus, il n'est pas improbable que le Gouvernement était revenu à de meilleurs sentiments vis-à-vis des victimes de Lawrence, de Shirley et de Winslow.

Ces nouveaux colons, sachant que la France et la GrandeBretagne étaient en paix depuis 1763, montrèrent leur appréciation au Gouvernement devenu plus humain, qui leur concédait des terres, en se livrant courageusement aux rudes travaux du défrichement.

Enfin, l'heure de la délivrance comme celle de la renaissance était sonnée!

La seconde église.

II semble bien, d'après la tradition, que depuis le Grand Dérangement "le service divin reprit dans les demeures privées".

L'abbé Joseph-Thomas-François LeRoux arriva à Memramcouk en l'année 1782. C'est ce missionnaire qui érigea, "sur la Montain" la seconde église de cette ancienne paroisse. Aujourd'hui, une croix en fer en rapelle le site. "Elle fut érigée par le R.P.C. Lefebvre, c.s.c., avant la convention nationale de 1881." II y a donc 60 ans que cette croix commémorative ne cesse de prêcher, par son silence, la Renaissance du peuple acadien dans la riante vallée de Memramcouk. [22]

Le Nouveau-Brunswick.

En 1784, le Nouveau-Brunswick fut érigé en une province distincte de l'ancienne Province de la Nouvelle-Ecosse.

Comme par coincidence, en cette même année, les Acadiens qui étaient établis sur la Rivière Saint-Jean, à Sainte-Anne (Frédéricton), et ailleurs abandonnèrent ces lieux pour aller s'installer à Memramcouk. C'est dire, par conséquent, que la population originaire fut augmentée pas deux principaux groupes: les exilés de la Nouvelle-Angleterre et les réfugiés de la Rivière Saint-Jean.

D'après un rapport de l'abbé LeRoux, il y avait, en 1785, à Memramcouk, au delà de 160 familles, soit 600 personnes en âge de communier. Cela comprenait également la population des villages qui dépendaient de la paroisse-mère.

C'est en cette année 1785 que les Acadiens de Memramcouk émigrèrent en assez grand nombre, dans d'autres localités du NouveauBrunswick: à Tracadie, Bouctouche, Barachois, au Village de Richibouctou, à Kagigougouet, (Saint-Louis), Gédaic.

Le premier député de Westmorland à Frédéricton fut Amos Botsford. Un Acte fut passé à la Législature exigeant l'enregistrement des concessions accordées, en 1765, par la Nouvelle-Ecosse. Un bon nombre des concessionnaires négligèrent de se soumettre à la nouvelle loi, et, par ce fait, perdirent droit à leur concession. D'ailleurs, la plupart de ceux qui avaient obtenu ces domaines n'avaient jamais rempli les conditions imposées par la Couronne Britannique.

Le 10 octobre 1786, le député Botsford obtint deux concessions de terres longeant la Rivière de Memramcouk, dont une pour les Acadiens. Celle-ci était située à l'Est de la Rivière. Elle s'étendait du Pont-à-Tedet qui se trouve environ trois milles en haut de la gare actuelle de Memramcouk jusqu'à celle de Rockland. La concession des Anglais commençait à Rockland et allait jusqu'à l'embouchure de la Rivière de Memramcouk. La concession acadienne avait été accordée à Simon LeBlanc et vingt-six autres Acadiens tandis que celle des Anglais fut accordée à John Richardson et autres Anglais.

Trois ans plus tard, le 29 mai 1879, le même député obtint une autre concession pour vingt et un Acadiens établis au Ruisseau-des-Renards qui dépendaient de la paroisse ecclésiastique de Memramcouk. Elle fut reconnue sous le nom de "Concession à Sylvain Babineau et vingt autres." Celle-ci commence à Lewisville, près de Moncton, et s'étend jusqu'à l'embouchure du Ruisseau-des-Renards.

A cette période éloignée, le trajet de Memramcouk à Frédéricton se faisait à pieds et avec beaucoup de difficultés. Pendant l'hiver, le député Botsford offrit aux Acadiens établis sur le côté Ouest de la rivière de Memramcouk ainsi qu'à ceux qui étaient du côté Est de la rivière Petitcoudiac, le titre foncier de toutes les terres situées entre ces deux rivières aux habitants acadiens, à la condition que quelques Acadiens l'accompagneraient à Frédéricton pour porter ses malles. Malheureusement, ces Acadiens n'acceptèrent point cet offre et ils le [23] regrettèrent amèrement.

Ainsi que nous l'avons dit, le Gouvernement Britannique avait concédé d'immenses territoires à des Anglais. Plus tard, ceux-ci à leur tour, vendirent leurs concessions à d'autres Anglais.

Dans le cas qui nous intéresse, les terres que les Acadiens occupaient à Memramcouk et à Ruisseau-des-Renards avaient été, achetées par un nommé Joseph- Frederic-Wallet DesBarres, ou bien, lui avaient été concédées. Cette malheureuse situation causa d'interminables procès qui durèrent plusieurs années.

Un prêtre d'origine Irlandaise, l'abbé Thomas Power, qui., cependant, avait étudié à Paris, succéda à l'abbé LeRoux qui mourut le 10 mars 1794.

L'année suivante *, la seconde église de Memramcouk, située à la Montain, fut incendiée. Son toit était de chaume. Or, pendant qu'un paroissien faisait brûler un abatis, le grand vent transporta un tison sur le toit. Dans quelques minutes, le premier temple de l'après-dispersion était en cendres. L'ameublement fut en partie sauvé; maints objets du culte de cette antique chapelle sont conservés au musée d'archéologie acadienne, à l'Université du collège Saint-Joseph.

Afin de pouvoir aux besoins spirituels de la population toujours croissante, après de longues discussions, il fut décidé, par la majorité, de construire la nouvelle église "sur le site actuel de la tour de l'église paroissiale" actuelle. Les mécontents ou dissidents appelèrent, par dérision, le nouveau site "la grenouillère de la Butte-à-Pétard."

Au mois de septembre 1803, Monseigneur Pierre Denaut, Evêque de Québec, visita Memramcouk. "L'évêque profita de son séjour à ce dernier endroit pour y établir des archives paroissiales, ordonner des réparations urgentes et nommer l'abbé Ciquard missionnaire" pour succéder à l'abbé Power. Celui-ci se retira dans les missions anglaises du Comté de Cumberland où il mourut trois ans plus tard.

L'abbé Power, le 6 octobre 1806, fit don à son successeur, l'abbé Ciquard, d'un terrain de six arpents "qui avaient d'abord été cédés par quatre habitants pour être le terrain et emplacement de l'église."

En 1810, l'abbé Ciquard construisit une église temporaire * érigé lors de l'incendie de celle qui était située à la "Montain". Cette nouvelle église n'était qu'à quelques pas de l'église actuelle. Cette entreprise était conforme aux ordres donnés sept ans auparavant par Monseigneur Denaut qui avait ordonné "de mettre l'église à l'abri du vent et de la pluie."

Cette construction fut terminée par l'abbé Louis Brodeur * qui remplaça l'abbé Ciquard en 1812.

Lors de la visite du nouvel Evêque de Québec, Monseigneur Plessis, au mois d'août 1812, on était encore dans l'église en bois commencée deux ans plus tôt par l'abbé Ciquard * .

*[En se basant sur les lettres ecclésiastiques, entre les missionnaires de Memramcook et l'évêque de Québec, on peut apporter les clarifications suivantes. L'église de La Montain fut incendiée au printemps 1796. En 1798, l'abbé Power commença la construction d'une nouvelle église sur l'emplacement approximatif de l'église en pierres moderne. De piètre construction, elle fut graduellement améliorée et subsista jusqu'en 1817. L'abbé Ciquard reconnut la nécessité de bâtir une nouvelle église mais n'en fit jamais construire une nouvelle. C'est l'abbé Brodeur qui commença la construction d'une nouvelle église en 1816. Celle-ci fut terminée au printemps de 1818 et fut utilisée jusqu'en 1855.]

A cette date, les paroissiens de Memramcouk étaient en procès avec les héritiers de Desbarres qui réclamaient les immenses territoires concédés aux Anglais en 1755.

Avant de quitter Memramacouk, Monseignuer Plessis ordonna ce [24] qui suit: "Dans trois ans, et même plus tôt, si le procès pendant entre les seigneurs et les habitants du lieu finit avant cette époque, les habitants de cette paroisse entreprendront une nouvelle église longue de 72 pieds et large de 36 sur la place qui leur sera désignée par le missionnaire d'alors."

II n'importe de ne pas oublier qu'à cette date l'église de Memramcouk était la seule pour tous les environs. Elle devait abriter une population de 171 familles, 486 communiants, pour Memramcouk, Petitcoudiac et Scoudouc. A part cela, il y avait un petit noyau de 15 familles à Menoudie.

Six ans plus tard, il y avait, dans les mêmes lieux, Nanpanne en plus, 673 communiants.

En 1820, dans ces mêmes villages, moins Nanpanne, la population s'élevait à 1419 âmes. II y avait 168 personnes à Menoudie.

II ne semble pas y avoir eu de recensement en 1827 à 1864.

Un relevé de la population de 1827 indique 852 communiants pour Memramcouk, Petitcoudiac et Scoudouc.

Les travaux pour la construction de l'église actuelle furent commencés par l'abbé Ferdinand Gauvreau en 1840. Monsieur le curé fut toutefois obligé de suspendre les travaux, à cause d'une crise financière générale jusqu'en 1845. Une pierre trouvée dans le mur indique que l'extérieur de l'église en pierre fut terminé dans l'année 1847.

C'est pendant la construction de l'église que les Acadiens défrayaient les dépenses d'un procès qui durait depuis nombre d'années. Voici ce qu'en dit Monsieur Placide Gaudet: "Enfin, en 1842, pour avoir la paix et la tranquilité, les Acadiens achetèrent d'Augustus DesBarres, au prix d'une piastre l'arpent, les terres et marais qui de droit leur appartenaient."

En cette même année, "fut édifiée" la petite chapelle des Sauvages Micmacs, à la Pointe, Village-des-Beaumont. La population en ce lieu des fils de la forêt se montait à "environ deux fois douze cabanes". Monsieur le Curé de Memramcouk y célébra la Sainte Messe à l'automne de 1843.

A l'arrivée du Père Camille Lefebvre, en 1864, il y avait à Memramcouk, 2,905 âmes, 1814 communiants. Cette population comprenait 500 familles acadiennes et 37 familles irlandaises. [25]

PREMIERE CONVENTION NATIONALE DES ACADIENS

1881

Les 20 et 21 juillet 1881, la première Convention Nationale eut lieu au Collège Saint-Joseph à Memramcook. Chaque paroisse avait été invitée à envoyer trois délégués. Les extraits suivants tirés du Moniteur Acadien décrivent l'ampleur de la réunion et les thèmes à l'étude.

Le Moniteur Acadien, 28 juillet 1881 (Convention Nationale des Acadiens)

Environ 5,000 étrangers ont visité Memramcook pendant ces deux jours. L'lle St-Jean a fourni près de 200 délégués et autres ... On comptait deux prêtres, deux députés, des marchands, des instituteurs et des cultivateurs, et ces derniers de la classe la plus prospère que l'on puisse trouver à l'lle.

La Nouvelle-Ecosse était représentée par un prêtre, un député, M. Henri M. Robicheau, et sept ou huit autres délégués de la baie Ste-Marie; tous à la hauteur de leur position ont fait l'honneur à leurs compatriotes.

Du Nouveau-Brunswick il y avait affluence, et mardi et mercredi, toutes les avenues conduisant à St-Joseph étaient remplies d'une nombreuse foule formant comme une procession s'acheminant à la convention.

Les abords du collège était pavoisés de drapeaux et de verdures et l'église où devait s'inaugurer cette grande et mémorable réunion était décorée avec goût.

Le Moniteur Acadien, 19 juillet 1881 (à Memramcook)

Les questions suivantes, qui forment la base des délibérations de la convention sont référées à des commissions comme suit:

1.       Du choix et de l'adoption d'une fête nationale générale pour les Acadiens des Provinces Maritimes.

2.       De l'éducation.

3.       De l'agriculture et des moyens de la faire progresser au milieu des Acadiens.

4.       Colonisation et émigration et de la nécessité d'encourager l'une pour arrêter l'autre.

5.       La presse, son rôle et la necessité de l'encourager. [26]

LA VIE RELIGIEUSE

C'est un fait indiscutable que l'Acadie a été fondée par des colons venus de la vieille France, alors si Catholique, dans le but d'étendre le règne de Dieu ainsi que le domaine de la patrie. Nos premiers ancêtres, animés des sentiments les plus chrétiens, jettèrent les fondations à Port Royal, berceau des Acadiens. Jusqu'à la dispersion, les différents établissements avaient l'avantage de compter sur la présence des missionnaires qui s'occupaient de leur bien spirituel.

Après la dispersion, alors qu'en caravane, ils revenaient de l'exil et s'arrêtèrent à Memramcook, ils ne pouvaient guère compter sur la présence de missionnaires qui, à cause des distances et des moyens de transport les visitaient qu'à des intervalles assez éloignés. En dehors d'une visite ou deux par année, les missionnaires du Québec les laissèrent par la force des circonstances, se débrouiller par eux-mêmes du mieux qu'ils pouvaient. Telle fut la situation de nos ancêtres, descendants des premiers colons jusqu'en 1781, quand arriva l'abbé Joseph Thomas Leroux, comme premier curé résident.

Memramcook devint donc la première paroisse française érigée canoniquement en Acadie, avant Caraquet (1784) et St-Basile (1792). (Père Pacifique de Valigny, o.f.m. cap). L'abbé Thomas Leroux avait apporté de France le portrait de son patron Saint-Thomas qui devint la titulaire de la paroisse. L'abbé Thomas Leroux mourut à son poste le 10 mars 1794 et ses restes mortels reposent sous l'église de pierre actuelle. Il fut remplacé par M. Thomas Power (1794-1804) prêtre irlandais qui quitta Memramcook en 1804 et fut remplacé successivement par MM François Ciquart sulpicien (1804-1812), Louis Gingras (1821-1825), Célestin Gauvreau (1825-1829), Ferdinand Gauvreau (1829-1832), Antoine Gagnon (1833), Jos Couture (1833-1836) et quelques autres. L'abbé F.X. LaFrance (1852-1864) remit la paroisse aux pères de Ste-Croix et le père Camille Lefebvre (1864-1894) fut le premier de cette congrégation à être curé. Le père Alfred Roy, c.s.c., (1895-1918) suivit et le père Benjamin LeCavalier, c.s.c., (1918-1927), le père Napoléon Papineau c.s.c., (1927-1928), le père Dismas LeBlanc, c.s.c. (1928-1934), le père Eugène Daoust, c.s.c. (1934-1949) le père Hector Léger, c.s.c. (1949-1952), le père Arcade Goguen, c.s.c. (1952-1966), le père René Lauzon, c.s.c. (1966-1974), le père Louis Joseph Boudreau, (1974-1981) et le père Ulysse LeBlanc, c.s.c., le curé actuel.

En 1864, lorsque le père Lefebvre devint curé, il était en même temps le supérieur fondateur du collège St-Joseph; il cumulait les deux charges importantes à la fois. II eut quand même l'aide d'autres prêtres Sainte-Croix qui étaient pour ainsi dire, ses vicaires et le remplacaient à la paroisse alors qu'il était supérieur et professeur au collège. Depuis ce temps-là, la paroisse de Memramcook a l'avantage d'avoir un ou deux [27] vicaires. Par conséquent, les paroissiens ont toujours eu à leur disposition, pour les divers offices religieux, deux ou trois prêtres et la vie religieuse ne tarda pas à s'accentuer &

Jusqu'au Concile de Vatican II, la vie religieuse à Memramcook, comme ailleurs dans toutes vos paroisses était centrée sur le dimanche. La grand-messe dominicale voyait le rassemblement de tous les paroissiens le dimanche matin à 10 heures. A 9h55, la cloche sonnait et les paroissiens entraient et occupaient les places qu'ils avaient achetées et pour lesquelles ils devaient payer une certaine somme d'argent annuellement.

Comme il y avait toujours deux vicaires à la paroisse chacun chantait à tour de rôle, la messe du dimanche. Le curé officiait ordinairement seulement aux grandes fêtes. Après que les enfants de choeur étaient rendus à leur place de chaque côté du maître autel, le célébrant qui portait la chape faisait son entrée précédé des servants de messe, 2 grands et 2 petits. Les petits servants ou acolytes portaient les chandelles et un des grands servant portait le bénitier. Le célébrant au pied de l'autel entonait "l'Asperges me", bénissait les servants et les enfants de choeur et accompagnée de deux servants descendait dans la petite allée du côté du sud et revenait à l'autel par la petite allée du côté nord en aspergeant les fidèles. Revenu à l'autel, il chantait une oraison et une fois celle-ci terminée, se rendait à son siège (à la banquette) pour enlever la chape et se revêtir de la chasuble. Ainsi vêtu, il se dirigeait au pied de l'autel et commençait la messe avec "L'Introibo ad altare Dei". Les servants répondaient pendant que le choeur de chant entonnait "L'Introit". Cette prière terminée, il gravissait les marches de l'autel qu'il baisait, se rendait à droite du côté de l'épitre où il mettait de l'encens dans l'encensoir pour ensuite encenser l'autel. Revenu du côté de l'épitre il récitait I'"Introit" et ensuite le "Kyrie Eleison", qui était chanté en même temps par le choeur de chant. II entonnait ensuite le "Gloria" qu'il récitait à voix basse pendant que les chantres accompagnés par l'orgue le chantait. Le célébrant descendait à son siège, la banquette, du côté droit de l'autel, se revêtait de sa barrette jusqu'à la fin du chant du Gloria. II se rendait alors de nouveau à l'autel et se tournant vers les fidèles pour entonner le "Dominus vobis cum", auquel répondaient les chantres. II continuait avec "L'Oremus" et ensuite l'épître. Après avoir chanté l'épitre, de nouveau durant le chant de I'"Alleluia", il mettait l'encens sur les tisons de l'encensoir et se rendait à gauche de l'autel pour chanter l'Evangile. Un des servant changeait le missel de côté de l'autel en le portant à gauche et, de nouveau, le célébrant chantait le "Dominus vobis cum" et encensait le missel avant de changer l'Evangile.

Après quoi, le célébrant retournait à son siège s'il ne devait pas prêcher. Le curé ou le prédicateur montait en chaire pour faire les annonces, le prône et le sermon. La chaire sculptée se trouvait attachée à une colonne près de la sainte table. Pour monter en chaire, il y avait un escalier pliant qu'un des servant descendait et remontait après le sermon. Les annonces, publications des bancs, les messes chantées et les décès et autres annonces de même que !es remarques ou remontrances selon le [28] cas, pouvaient prendre de 10 à 15 minutes. Ensuite, c'était le sermon. Si le célébrant devait faire le sermon, le curé descendait et le célébrant après avoir enlevé sa chasuble montait en chaire. Le sermon durait une demi-heure ordinairement. Une fois terminée, la messe continait avec le "credo".

A l'offertoire, après l'encensement de l'autel, un des servant encensait aussi les fidèles. La préface suivait et terminait avec le "Sanctus" et l'élévation alors qu'on sonnait la cloche. Le célébrant chantait le "Pater noster" qui était suivi du "L'Agnus Dei". Aux messes, diacres et sous-diacre, les officiants se donnaient le baiser de paix. Comme personne ne pouvait communier sans être à jeun depuis minuit, il était assez rare que quelqu'un se présente à la sainte table. La messe finissait avec les dernières oraisons et le dernier évangile selon St-Jean.

II arrivait quelquefois que le salut du Saint Sacrement soit chanté après la messe. La grand-messe, le sermon et la bénédiction durait presque 2 heures. C'était le temps de sonner "L'Angelus" du midi. A la sortie de l'église, les gens se rendaient à leur voiture même si un bon nombre retournait chez eux à pied. Quelques-uns s'attardaient quand même à jaser avec des parents ou amis. Les paroissiens venaient d'accomplir leur devoir religieux selon le commandement de l'église: "Les dimanches tu garderas en servant Dieu dévotement". Le reste de la journée se passait soit en visitant des parents et des amis. Aucun travail n'était permis, c'était le jour de repos bien mérité car en ce temps-là, on travaillait six jours par semaine. Les dimanches aucune oeuvre servile n'était permise et les magasins étaient fermés. La seule exception au travail du dimanche était pour sauver la récolte de foin ou de grain lorsqu'il y avait danger que cette récolte soit perdue. C'était le prêtre qui donnait cette permission du haut de la chaire.

LES FETES RELIGIEUSES DE L'ANNEE

La fête la plus attendue de l'année est sans doute celle de Noël car au point de vue religieux, cette fête a quelque chose de spécial. C'est la première grande fête de l'année liturgique qui commence avec le premier dimanche de l'avent. Les avents sont un temps de préparation à la naissance du Sauveur et pendant ces 4 semaines, il y a la semaine des Quatre-Temps, jours de jeune et d'abstinence où aucune réjouissance n'était permise même pas de mariage.

La veille de Noël, grand jeune et abstinence. Les plus âgés se rappelleront comment il était difficile de ne pas manger, toutes les belles et bonnes pâtisseries que les mères préparaient pour la fête. La veille, il y avait confession dans l'après-midi et dans la soirée jusqu'à 11 heures.

La messe de minuit de Noël était la seule messe de l'année qui se célébrait à cette heure là. Comment décrire les messes de minuit du temps d'un père Roy, et celles du père LeCavalier dans la vieille église de Memramcook que l'on voyait toute illuminée ce soir du 24 décembre, éclairée par des douzaines de lampes dans les beaux lampadaires qui descendaient de la voûte et qui nécessitaient le travail de deux hommes [29] pour deux heures afin de les allumer. Pour la fête, le maître autel était décoré d'une centaine de lampions verts et rouges. Une magnifique crèche placée devant l'autel de St-Joseph du côté nord de l'église attirait l'attention des fidèles à leur entrée dans l'église. A 10 heures les cloches carillonnaient dans le silence de la campagne; elles sonnaient de nouveau à 11 h00 et enfin à 11 h45, elles annoncaient que la messe devait bientôt commencer. L'église était remplie à capacité, les petits jubés de chaque côté de l'autel étaient réservés aux jeunes; les garçons du côté nord de l'église et les filles du côté sud. Cette foule de paroissiens venus de tous les coins de la paroisse attendaient pieusement le "Minuit Chrétien" qu'entonnait de sa belle voix de ténor, le maître chantre. Oui, les fidèles tressaillaient d'espérance en cette nuit qui lui donne un Sauveur. Noël, Noël, voici le Rédempteur. Le cantique terminé, l'entrée du célébrant précédé des enfants de choeur en soutanes bleues et rouges, du sous diacre et du diacre, revêtus des plus beaux ornements dorés, jusqu'au pied du maître-autel pour commencer la messe. La chorale entonnait L'"Introit" "Dominus dixit ad me" après quoi, on entendait une messe chantée en partie à 4 voix. Au chant du Gloria, un enfant de choeur enlevait le voile blanc qui recouvrait la statue de l'Enfant Jésus; c'était Noël: "II est né le divin enfant". A la communion, les fidèles s'approchaient en rang à la sainte table et les trois prêtres distribuaient la communion. La grand-messe terminée, les diacres et sous-diacres se retiraient et de nouveau, au pied de l'autel, le célébrant commençait la messe d'aurore. Avant le Concile Vatican II, les prêtres avaient le droit de dire 3 messes à Noël et le 2 novembre, le jour des morts. C'était pendant cette deuxième messe qu'on entendait les beaux cantiques d'autrefois: "Ca bergers", "Dans cette étable", "il est né le divin enfant", "Les Anges dans nos campagnes", "Nouvel Agréable", "Le fils du roi de gloire". Les solos de ces pieux cantiques étaient chantés par différents membres de la chorale.

II était presque 2 heures du matin quand la foule quittait l'église. On avait alors hâte de retourner à la maison pour réveillonner. Les familles bien enmitoufflées s'embarquaient dans les traîneaux et les chevaux se mettaient en route. Quel beau spectacle d'entendre le son des cloches de l'église et des grelots des chevaux en pleine nuit et de voir cette suite de carrioles et de traîneaux, éclairés par un fanal et d'entendre les souhaits de "Joyeux Noël" de tous côtés. Arrivée à la maison, la famille rassemblée autour de la table, pouvait enfin goûter de ces pâtisseries, tartes, poutines rôties, biscuits, gâteaux et autres bons mets que nos mères savaient bien préparer. II fallait quand même se mettre au lit, car un bon nombre de paroissiens retournaient à la messe du jour à 10 heures.

Pour le dîner de Noël, comme l'élevage du dinde n'était guère pratiqué dans la paroisse, le menu consistait d'un ou deux beaux coqs rôtis que l'on avait pris bien soin d'engraisser et de réserver pour le dîner de Noël. Dans l'après-midi et si la température le permettait, les parents accompagnaient leurs jeunes enfants à l'église faire une visite au petit Jésus qui semblait leur sourire dans la crèche. On ne manquait pas de [30] mettre une obole dans le tronc réservé à cet effet. Lorsque l'argent tombait, l'ange inclinait la tête en signe de remerciement. Le jour de Noël était aussi la journée de la visite aux grand-parents. C'était le rassemblement de la famille autour de la table familiale où se prenait le souper après quoi on retournait à la maison.

LE JOUR DE L'AN

Huit jours après Noël, on était rendu au Jour de l'An, fête d'obligation, le premier jour de l'année nouvelle. A la grande messe, on entendait encore les cantiques de la messe de minuit et le curé faisait une revue de l'année qui venait de s'écouler et en même temps offrait ses voeux de bonne et heureuse année aux ouailles dont il avait la charge.

Un bon nombre de paroissiens se rappelleront du premier janvier 1919 alors que le curé nouvellement installé dans la paroisse, le père LeCavalier, qui avait le don de l'éloquence sacrée, offrit ses souhaits du nouvel an à ses paroissiens. On se rappellera que la guerre venait de finir quelques semaines auparavant et qu'aussi la grippe espagnole avait fait une quarantaine de victimes dans la paroisse. II commenca à offrir ses souhaits aux jeunes orphelins qui venaient de perdre soit un père, soit une mère, ensuite il fit ses souhaits aux adultes qui eux aussi pleuraient la mort d'un être cher et enfin, il adressa des souhaits tout particulier aux personnes âgées, aux vieillards. Ce sermon de circonstance restera à jamais gravé dans la mémoire des personnes présentes à la grand-messe du jour de l'an 1919. Inutile de dire qu'on pouvait entendre des sanglots à la grandeur de l'église et à la sortie de l'église comme à la maison on se serrait la main en échangeant ses souhaits de bonne et heureuse année et "le paradis à la fin de vos jours".

C'était aussi la coutume au jour de l'an pour les jeunes, d'aller visiter leur parrain et leur marraine qui ne manquaient pas de donner des pommes ou des oranges à leur filleul. Pour le dîner du jour de l'an, on avait réservé, soit un poulet ou quelquefois, un bon rôti de porc frais. On échangeait aussi des visites.

LA FETE DES ROIS - L'EPIPHANIE - LA CHANDELEUR

Le 6 janvier, la fête des Rois, était une fête d'obligation religieusement observée. Cette fête complétait la série de 3 fêtes.

Le 2 février, c'était la chandeleur, à la messe à laquelle un bon nombre de paroissiens assistaient, l'officiant bénissait des chandelles. Ces chandelles bénies étaient rapportées à la maison et servaient pendant les orages de tonnerre et aussi s'il arrivait que la communion était portée à des malades.

Pendant l'hiver, il y avait ordinairement une heure sainte dans l'après-midi du mardi gras et pendant le carême, le chemin de croix les vendredi après-midi. [31]

NEUVAINE DE ST-JOSEPH

"Volez, volez anges de la prière

A Joseph, au plus haut des cieux

Portez-lui- notre amour sincère,

Offrez-lui nos chants et nos voeux (bis)".

C'est par ce beau cantique à St-Joseph que les paroissiens de la vallée ont été convoqués pendant au-delà de 60 ans à la neuvaine de Saint-Joseph du 10 au 19 mars. Cette neuvaine doit son origine au Père Lefebvre qui, comme on le sait, avait une grande dévotion à Saint-Joseph. Que de souvenirs cette neuvaine rappelle aux plus vieux de la paroisse. En effet, les exercices de la neuvaine sans être obligatoires, étaient fidèlement suivis par tous les paroissiens. Chaque après-midi à 3 heures, l'église se remplissait comme aux beaux dimanches, seulement les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes demeuraient à la maison. Le chapelet, prière et litanies de St-Joseph, sermon et le salut du Saint-Sacrement, tel était le programme. Les sermons étaient donnés par les prêtres du collège et quelquefois par un missionnaire. Pendant la neuvaine, beaucoup de fidèles se confessaient et venaient faire leurs Pâques à la messe du matin.

MERCREDI DES CENDRES

Le mercredi des cendres, le premier jour du carême, n'est jamais à la même date parce que cette période varie selon que la fête de Pâques est tôt ou tard. La messe de ce jour-là était ordinairement célébrée à 9 heures, alors que le célébrant mettait sur le front des fidèles un peu de cendre bénite pour rappeler à l'homme qu'il est poussière et qu'il retournera en poussière. "Mememto Homo". Au dimanche de la Passion, deux semaines avant Pâques, on couvrait les statues, les croix et les images du Christ avec un voile violet.

LE DIMANCHE DES RAMEAUX

La grande messe commencait avec la bénédiction des rameaux et ensuite il y avait la procession. Arrivé au portail (aux grandes portes), le célébrant et les servants sortaient dans la tour du clocher avec quelques chantres. Les chantres qui restent dans l'église chantent des versets "Gloria Laus". Ce chant est repris par les chantres en dehors. A la fin du chant, le célébrant frappe trois coups à la porte de l'église avec la hampe de la croix. Les chantres dans l'église chantent "Ingrediente Domino", et la procession s'avance jusqu'à l'autel pour commencer la messe. Pour la bénédiction des rameaux, il n'y avait que les enfants de choeur et le célébrant qui recevait des palmes, lesquelles, comme on le sait, viennent ou sud où l'on trouve les palmiers. Les paroissiens, eux, apportaient des branches de cèdre à l'église pour remplacer les palmes. Ceux qui n'avaient pas de cèdres dans leur lot à bois en demandaient à leur voisin [32] qui ne manquait pas d'en emporter plusieurs petites branches pour les distribuer avant la messe. Avec le dimanche des Rameaux commencait la semaine sainte.

JEUDI SAINT

La messe du jeudi saint commencait à 10 heures du matin. Au chant solennel du Gloria, l'orgue, les cloches et les sonnettes retentissent à toute volée pour se taire ensuite jusqu'au Gloria du Samedi Saint. A la fin de la messe, après le dernier Evangile, le célébrant mettait de l'encens dans deux encensoirs et encensait trois fois le Saint Sacrement. II revêt la chape et un voile humeral de couleur blanche et portait en Procession le Saint-Sacrement au reposoir. Dans cette procession, on porte la croix et des chandelles, deux servants encensent continuellement le Saint-Sacrement et l'on chante l'hymne "Pange Lingua". Arrivé au reposoir qui était à l'autel de la Sainte Vierge du côté sud de l'église, le prêtre déposait d'abord sur l'autel le calice renfermant le Saint-Sacrement et l'encensait. Ensuite le diacre le dépose respectueusement dans le tabernacle. Puis on récite les Vêpres après quoi on procédait au dépouillement des autels. A trois heures de l'après-midi, il y avait une heure d'adoration pour toute la paroisse. Pour le reste de la journée et durant la nuit, on se succédait de manière à ce qu'il y ait toujours des adorateurs devant le reposoir. Jusqu'au Samedi Saint, comme on ne pouvait sonner les cloches, on se servait d'un "tric-trac" pour signaler que les cérémonies allaient commencer.

LE VENDREDI SAINT

L'office de ce jour, se rapporte tout entier au drame de Golgotha et au mystère de la Croix. C'était à 9 heures du matin que commençait l'office avec quelques lectures et la passion selon Saint-Jean qui était chantée par trois prêtres. Après le chant de la passion, c'était les oraisons solennelles et l'Adoration de la Croix. Pour la vénération de la Croix, le célébrant et tous ceux qui prenaient place dans le choeur devaient enlever leurs chaussures et deux par deux après s'être prosternés, baisent les pieds du crucifix sur la croix qui avait été déposée au pied de l'autel. Le célébrant, le diacre et sous-diacre font vénérer la croix à l'assistance qui se rendait aux "balustres". Ainsi se terminait autrefois l'office du vendredi saint. Dans l'après-midi, à trois heures, c'était le chemin de croix auquel les paroissiens assistaient.

LE SAMEDI SAINT

Les offices de ce jour commençaient à 8 heures du matin avec la récitation de l'office des matines suivi de la bénédiction du feu nouveau et la bénédiction du cierge pascal. Les 12 prophéties étaient chantées par une douzaine de prêtres du collège. Après les prophéties, venait la bénédiction des fonts baptismaux suivi des litanies des Saints. A la fin des [33] Litanies, les chantres entonnent sur le ton pascal: "Kyrie eleison". Le prêtre entonnait lé "Gloria" et l'orgue commençait à jouer en même temps que les cloches commençaient à sonner. On disait que les cloches s'étaient envolées à Rome le jeudi saint et revenaient lors du Gloria du samedi saint. La messe continuait et se terminait à l'Ite Messa Est, Alleluia.

PAQUES

C'est dimanche, c'est Pâques,

C'est le jour où de la mort,

Le Seigneur s'éveilla

Les cloches sonnent là-haut, l'Alléluia

Le carême est fini. Les personnes de 21 ans révolus jusqu'à l'âge de 60 ans pour qui le jeûne était d'obligation, devenaient tout joyeux ce matin-là. Les dames en profitaient pour étrenner un nouveau chapeau et enfin on était arrivé au printemps.

Le premier dimanche après Paques est désigné sous le nom de "Quasimodo" et le lendemain, le lundi, c'était la fête des petits oiseaux, fête observée dans la paroisse.

Plus tard, les prières des rogations et la bénédiction des grains. Enfin arrivait le mois de mai "C'est le mois de Marie, c'est le mois le plus beau". II y avait prière tous les soirs du mois avec récitation du chapelet, lecture pieuse et salut au Saint-Sacrement.

En juin c'était la procession de la Fête-Dieu. En juillet le triduum des Dames de Ste-Anne avec messe, sermon et procession au cimetière le jour de la fête de Ste-Anne après la messe.

Le 15 août, fête de l'Assomption, n'était pas d'obligation mais était quand même la fête patronale des Acadiens. En octobre, le mois du rosaire, il y avait prière à tous les jours, chapelet et salut du Saint-Sacrement. Le premier dimanche d'octobre, appelé le dimanche du rosaire, était le dimanche des visites à l'église dans le but de gagner des indulgences applicables aux âmes du purgatoire.

Pendant le mois d'octobre, il y avait aussi journée de la sainte enfance; à une messe spéciale, les mamans amenaient leurs bébés et petits enfants à l'église et comme il n'y a pas de "crying room" dans l'église de Memramcook, on pouvait entendre toutes sortes de sons, des pleurs, des babillages et, des cris. Qu'importe, c'était la journée des enfants.

Avec le mois de novembre, c'était la Tousaint, fête d'obligation, messe diacre et sous-diacre. A partir du midi, les paroissiens ne manquaient pas de faire des visites en vue de gagner des indulgences. Le lendemain le 2 novembre, jour des morts, la grand-messe était suivie du chant du Libera. Les visites à l'église se continuaent jusqu'au soir. Le 8 décembre était la fête de l'Immaculée Conception, une fête d'obligation et la fête que l'on désignait comme la fête de Notre-Dame des Avents. [34]

Pendant l'année, le 14 du mois, c'était la récitation du rosaire (trois chapelets) et l'heure de garde qui, pendant les mois d'hiver avait lieu dans ia chapelle de Ste-Anne de même que le chemin de croix du carême car l'église n'était chauffée que les dimanches. La chapelle de Ste-Anne au-dessus de la sacristie pouvait contenir une centaine de personnes. Elle était chauffée par un gros poêle à bois et on y avait accès par un escalier à l'intérieur; elle était construite en bois et fût démolie pour agrandir l'église en 1935.

Pendant l'année, il y avait aussi les Quarante heures, où le Saint-Sacrement demeurait exposé, exercice suivi fidèlement par tous les paroissiens. Heures saintes du premier dimanche du mois. Neuvaine de communion du premier vendredi du mois. C'est donc dire que la vie religieuse dans la paroisse était échelonnée au long de l'année. On ne peut pas conclure de là que les paroissiens de Memramcook étaient des meilleurs catholiques qu'ils le sont de nos jours, mais la grande majorité de tous ces exercices de piété étaient suivis pour dire à la lettre par tous les gens et aujourd'hui, sont presque totalement inconnus de la jeune génération. C'était la vie de ce temps là et tous s'y conformaient.

En 1928, le père Dismas LeBlanc, fut le premier enfant de la paroisse à devenir curé de St-Thomas de Memramcook. II organisa le premier congrès marial, le 4, 5, 6 septembre 1931. Un monument en souvenir de ce congrès fut érigé en face du presbytère, monument dédié à Notre-Dame de la Paix. A la clôture de ce congrès, en plus des paroissiens, un grand nombre de gens d'ailleurs étaient présents. C'est en retournant chez-eux, ce dimanche après-midi du 6 septembre 1931 qu'un accident a coûté la vie à 6 personnes de la paroisse du Cap-Pelé, à la croisée du chemin de fer à Gayton's alors que le train "L'Ocean LImitée" en provenance de Montréal heurta le petit camion dans lequel voyageait ces victimes. Cet accident mortel jeta la consternation dans la vallée de même que la région environnante.

Mgr. Melanson, le premier archevêque Acadien fit sa première visite à la paroisse le 25 février 1942. Le 3 juin 1943, Mgr Norbert Robichaud, ordonnait à la prêtrise, l'abbé Roméo Gaudet et le père Léonard Gaudet, c.s.c., leur père, M. Arthur Gaudet, agronome, fut servant de messe pendant 50 ans ; il aura la consolation de servir la messe de ses propres enfants [35]

Prêtres de la Paroisse St-Thomas de Memramcook

Nom                                                                                         Ordination              Décès

CORMIER, François-Xavier,

Premier prêtre gradué de U.S.J.                                               1870             1906

LEBLANC, André-T., c.s.c.                                                       1875             1924

LEBLANC, Antoine-T.                                                              1877             1924

BELLIVEAU, Fidèle                                                                  1877             1891

CORMIER, André-D., c.s.c.                                                      1878             1930

BOURGEOIS, Philias, c.s.c.                                                    1879             1913

LEBLANC, Hippolyte, c.s.c.                                                     1882             1926

BELLIVEAU, Philippe-J., s.j.                                                    1883

BOUROUE, André, c.s.c.                                                         1884             1914

BELLIVEAU, Philippe-L., p.d.                                                  1884             1933

LEBLANC, Vital-D.                                                                   1889             1892

CORMIER, Henri, p.d.                                                             1898             1938

CORMIER, François-X.                                                            1903             1930

GAUDET, Jean, p.d..                                                               1906             1971

LEBLANC, Dismas, c.s.c.                                                        1908             1957

LANDRY, Albert                                                                       1909             1945

LANDRY, Napoléon                                                                 1914             1956

LEBLANC, Vital-H.                                                                   1917             1920

LANDRY, Zoël                                                                          1920             1952

McMANUS, Walter, s.j.                                                            1921             1942

RICHARD, Antoine                                                                  1927

BOUDREAU, Raymond                                                           1930             1976

LANDRY, Edgar, c.s.c.                                                            1933             1960

RICHARD, Calixte                                                                   1936

CORMIER, Camille                                                                  1937

GAUDET, Oscar                                                                      1941

GAUDET, Alfred                                                                      1941

GAUDET, Léonard, c.s.c.                                                         1943

GAUDET Roméo                                                                      1943

CORMIER, Jean-Baptiste, c.s.c.                                              1944             1980

BOUDREAU, Dollard                                                               1945

LANDRY, Zoël, c.s.c.                                                               1945

LEBLANC, Hervé, c.s.c.                                                           1945

LEBLANC, Armand                                                                  1946

CORMIER, Allain, c.s.c.                                                           1946

GAUDET, Donatien, c.s.c.                                                       1948

LEGER, Alphonse                                                                    1948             1977

GAUDET, Robert, c.s.c.                                                           1951             1963

LEBLANC, Gérard, c.s.c.                                                         1951

BOUDREAU, Benoît                                                               1951

LEBLANC, Léo-Paul                                                                1955

LEGER, Guy, c.s.c.                                                                  1958

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LES VICAIRES A LA PAROISSE

La paroisse dirigée par les Pères Ste-Croix depuis 1864 a toujours eu l'avantage d'avoir à son service un ou deux vicaires. Les prêtres dont les noms suivants ont fait du ministère pendant quelques années.

Père E. Labbé                                                     Père E. Landry

Père J. Lecours                                                   Père T. Gallant

Père H. LeBlanc                                                 Père T. Blanchard

Père B. Lecavalier                                              Père A. Poitras

Père J. Fiset                                                        Père G. Léger

Père D. Morel                                                     Père Z. Landry

Père H. Lapointe                                                 Père S. Doiron

Père W. Gendron                                                Père P. Dufour

Père J. St-Martin                                                 Père J. Boivin

Père J.B. Plouffe                                                 Père L. Boudreau

Père J.N. Poulon                                                 Père E. Brien

Père P. Thériault                                                 Père Sylvio Doiron

Père J. Mallet                                                      Père U. LeBlanc

Père A. Goguen                                                  Père A. Richard

Père F. Goguen

RELIGIEUSES NÉES DANS LA PAROISSE

2 Hospitalières de St-Joseph (Hôtel-Dieu de Montréal).

2 de la Congrégation de Notre-Dame (Maison-mère, Montréal).

10 Soeurs de Sainte-Croix (Maison-mère, Notre-Dame, Indiana).

1 Soeur de Ste-Croix des Sept Douleurs (Maison-mère, St-Laurent, près de Montréal).

2 Soeurs de la Présentation de Marie (St-Hyacinthe, P.Q.).

78 Petites Soeurs de la Sainte-Famille.

25 Soeurs de la Charité de l'Immaculée-Conception (Maison-mère, St-Jean, N.-B.).

33 Religieuses de Notre-Dame-du-Sacré-Coeur (Maison-mère, St-Joseph, N.-B.).

3 Soeurs de Ste-Anne (Lachine, P.Q.)

3 Soeurs de la Providence (Montréal, P.Q.).

2 Religieuses du Sacré-Coeur de Jésus (Montréal, P.Q.).

1 Petite Soeur de l'Assomption (Campbellton, N.-B.).

1 Soeur Grise (Montréal, P.Q.).

1 Soeur de la Charité (Halifax, N.-E.).

1 Soeur Missionnaire du Christ-Roy.

Pour un total de 165 religieuses nées dans la paroisse.

LA FETE-DIEU EN ACADIE

Dans les douze mois de l'année, il n'y a peut-être pas une seule fête qui rapelle d'aussi heureux souvenirs au coeur d'un Acadien que la [37] fête de Dieu. Les autres nations ont depuis longtemps les fêtes de St-George, St-Patrice, St-Jean Baptiste et la Ste-Andrée qui sont chacune des jours de réjouissance et de grande démonstration, soit pour les Anglais et les Irlandais, soit pour les Canadiens français ou les Ecossais. Quant à nous, nous n'avons jamais eu de célébration nationale déterminée et unanimement adoptée avant cette dernière décade; aussi la fête de Dieu reste encore le grand jour que nous avons appris à aimer, tout particulièrement, dès notre enfance.

Autrefois, n'était-ce pas à la fête de Dieu que les jeunes étrennaient leurs habits neufs, que nos mères et grand-mères mettaient leurs plus belles cottes et leurs plus beaux mantelets? Aussi, en ce jour, tous les vieillards et les infirmes à quelque distance que fut l'église faisaient tous les efforts possibles pour assister à la procession, prier, adorer Dieu en commun et recevoir leur part de bénédictions qu'il répand toujours en pareille solennité, sur son passage.

Partout où les Acadiens s'étaient groupés, après la dispersion, depuis la vallée Française (Frenchvale) au Cap Breton jusqu'à Pobomcoup ou Pubnico, de Menoudy jusqu'à Paspebiac, les processions de la Fête-Dieu furent maintenues en honneur. Dès le matin, les miliciens munis de mousquetons et de fusils, se rangeaient sous les ordres d'un commandant. Le chapeau ou le casque sur la tête, cette garde militaire se tenait debout dans l'église pendant le Saint Office et suivait ensuite, au dehors la Procession, en qualité de garde d'honneur. Quand à la fin de la messe, le prêtre avait mis la sainte hostie dans la lunette de l'ostensoir, la cloche annonçait le départ de la procession. Puis les chantres le Pange Lingua; une décharge des armes à poudre saluait le Très Saint-Sacrement à la sortie de l'église. Et deux haies mouventes de fervents chrétiens à l'air recueilli et dont les coeurs battaient aux élans d'une même foi, accompagnaient le Très Haut, sur tout le parcours de la procession. Peu de paroisses acadiennes ont gardé jusqu'à nos jours les [38] vieilles rubriques ou anciennes coutumes de la Fête-Dieu; un bon nombre n'y font plus la procession d'usage. Toutefois, pendant ce mois-ci au cours duquel l'église célèbre la fête dont nous parlons, notre pensée se reporte d'elle-même à cette époque non reculée où le missionnaire, précédé d'une troupe militaire, portait publiquement la Sainte Eucharistie au milieu des foules en prière et en adoration. On n'y voyait point de riches parures, point de draperies de luxe étendues sur la route à parcourir, mais que de consolations cette procession répandait dans les coeurs:

Là, ne se montraient pas ces tissus précieux;

L'or, l'opale, l'azur n'y frappaient point les yeux;

Des bouquets sans parfum, enfants de l'imposture,

Ne cherchaient point l'autel du Dieu de la nature;

Et des puissants du jour l'orgueilleuse grandeur,

Ne venait point de luxe étaler la splendeur,

Seul, un Dieu tempérant tout l'éclat dont il brille,

Tel qu'un père adoré, visitait sa famille,

Accueillant l'infortuné et portant dans les coeurs,

L'espoir d'un meilleur sort et l'oubli des douleurs;

1er juin 1892Ph. F. Bourgeois, Eud.

HISTOIRE DE MEMRAMCOOK

LA FETE-DIEU

Pascal Poirier dans son livre "Le Père Lefebvre en Acadie", raconte l'épisode suivante qui s'est déroulée lors d'une procession de la Fête Dieu:

"C'est surtout aux processions du Très Saint Sacrement que les forts-à-bras en jaquette aimaient à venir se donner carrière. Mais il y avait pour eux risques et périls. La religion est douée mais non pas ses enfants, quand ils se battent pour elle. Une calèche, attelée de deux chevaux et montée de la fine gomme anglaise des environs, s'en était venue, l'année précédente, à Memramcook même, enfiler en sens contraire toute la procession, en chantant des airs bachiques et d'autres chansons. Par malheur, un vieux canon français, trouvé dans le marais sur son affût, encore assez bien conservé, escortait depuis cinquante ans, le Très Saint Sacrement, aux processions de la Fête-Dieu. C'était le pacifique et seul usage auquel il fut réservé. Mais quel tonnerre il faisait éclater à l'élévation de l'hostie, enveloppant le reposoir dans les volutes de son épaisse ramée! Les femmes et les enfants en frémissaient et les hommes au travers de leur adoration profonde, croyaient entendre l'écho de la France qui revenait.

Comme la voiture arrivait vis-à-vis du canon, celui-ci partit tout à coup sous les narines des chevaux, qui, de leur côté, partirent à travers les champs. On ramassa dans le fossé quatre ou cinq citoyens de la puissante Angeleterre, avec des roues [39] fracassées, des lambeaux pleins de boue et des "membres affreux", que des charrons affirmèrent avoir appartenu à une voiture de louage. Le canonier, Martin LeBlanc, la mine désolée, déclara que le vieux canon français était parti tout seul, par accident, oui, tout seul, en voyant les Anglais.

Messieurs les trouble-fête revinrent l'année suivante, à pied cette fois, bien déterminés à prendre une éclatante revanche. Ils se firent assommer. Pour avoir le dernier mot quand même, ils intentèrent un procès criminel, - procédé qui ne manquait jamais de réussir - contre celui dont ils avaient le plus à se plaindre, un jeune Théophile B. LeBlanc, qui les avait abattus comme des épis mûrs. Or, il arriva ce qui ne s'était pas vu depuis le régime français dans l'histoire de lAcadie: les inculpés eurent pour se défendre en cour de justice, un avocat de leur race, M. Pierre Landry, qui occupa pour eux.

L'émotion soulevée par cet incident dans la paroisse de Memramcook et dans les centres français environnants fut intense. Une cause criminelle française défendue par un avocat français! LeBlanc échappa à la prison et n'eut qu'une légère amende en argent, vite payée par la paroisse. Mais le bruit de ce procès se répercuta au loin, et, depuis ce temps-là, les Acadiens font leurs processions du Très Saint Sacrement à Memramcook et ailleurs, sans être molestés.

"LA PROCESSION DE LA FETE-DIEU"

Chaque année, à la Fête-Dieu, il y avait une procession. Cette pieuse et édifiante cérémonie établie probablement avec l'arrivée du premier curé résident en 1781 a cessée au printemps de l'année mil neuf cent soixante six (1966). Le divin prisonnier du tabernacle porté sous forme d'hostie consacrée dans l'ostensoir ne passe plus par le chemin du roi accompagné par une foule recueillie le priant à haute voix et proclamant ses louanges, marchant en rang, deux par deux et salué lors de son passage par un grand nombre qui, incapables de le suivre, se prosternait et demandait ses bénédictions. Ces inoubliables processions sont choses du passé. De nos jours, les gens se rassemblent plutôt le long du chemin et des rues lors des festivals pour voir défiler des parades de majorettes sautant au son d'une musique criarde, suivies d'une série de chars allégoriques qui étalent une publicité de produits à vendre ou des services à offrir. Quel contraste que fait le temps présent avec ce passé déjà lointain.

Après les incidents relatés par le sénateur Pascal Poirier, incidents regrettables qui eurent lieu durant la procession de la Fête-Dieu, on n'a pas eu à déplorer le moindre petit dérangement à partir de ce temps jusqu'en 1966, alors qu'eut lieu la dernière procession. Dans la mémoire des personnes les plus âgées de la paroisse, les processions du Saint-Sacrement à Memramcook se sont déroulées dans un ordre parfait et étaient suivies annuellement par tous les paroissiens de la vallée d'une manière édifiante. On pourrait dire sans aucun danger de contradiction que les processions à Memramcook étaient les plus imposantes de toutes [40] les paroisses acadiennes tant par le nombre de participants que par la piété de ces milliers de personnes, jeunes et moins jeunes qui, ce jour-là, célébraient probablement la plus belle fête de l'année. Si la fête de Noël était attendue avec impatience, celle de la Fête-Dieu ne l'était pas moins. On s'y préparait d'avance. C'était le temps de porter ses plus beaux habits. Pendant les années que je me rappelle, il y a eu très peu de cancellation à cause de mauvais temps. II semblait que le Bon Dieu voulait que les fidèles puissent l'accompagner dans les rues toutes décorées de drapeaux pour l'adorer et le prier pendant qu'il les bénissait et leur accordait des grâces innombrables. La préparation pour cette fête commençait avec l'érection d'arches montés par les gens d'un certain district de la paroisse; afin de diviser le travail, les préparatifs, tels que la coupe des balises, bouleaux et trembles, le montage et la décoration des arches était faite par les différents districts à tour de rôle. Comme le parcours de la procession était assez long, il y avait bien souvent deux reposoirs, un devant l'office du Dr. Gaudet et l'autre aux grandes portes du collège. Le dimanche, la grande messe était chantée par le Supérieur du collège avec diacre et sous-diacre. La procession se mettait en marche à la fin de la messe vers les 11 heures.

Pour ouvrir la procession, un paroissien nommé par le curé, portant une espèce de bâton, suivi de la banière des enfants de Marie. Cette banière de même que les autres étaient portées par des hommes nommés par le curé. Les officiers ou les officières des différentes sociétés, tenaient les cordons des banières. Les dames de Sainte-Anne venaient en second lieu avec leur banière suivie des dames et des demoiselles qui ne faisaient partie d'aucune organisation. Les filles du couvent accompagnées des religieuses et les soeurs de la Sainte-Famille complétaient le groupe du sexe féminin.

La croix et les enfants de choeur étaient en avant du célébrant qui portant l'ostensoir accompagné du diacre et du sous-diacre. Sous le dais [41] porté par 4 syndics, deux servants de messe encensaient continuellement le Saint Sacrement, pendant que les chantres suivaient en chantant le "Pange Lingua".

Après quoi, les banières des ligueurs, des assomptionistes, des artisans et autres organisations d'hommes suivaient accompagné des élèves du collège, de la fanfare et des prêtres et religieux en soutane et surplis blanc qui fermaient la procession. De distance en distance, des prêtres récitaient le chapelet auquel répondaient les fidèles. La fanfare jouait aussi quelques marches. Le long du parcours, était parsemé de jeunes mamans avec leurs bébés et petits enfants et les autres personnes qui étaient incapables de suivre; tous s'agenouillaient au passage de l'ostensoir.

Arrivé au reposoir, le célébrant déposait l'ostensoir sur l'hotel et les chantres chantaient le "Tantum Ergo". Le célébrant bénissait la foule agenouillée et la procession se remettait en marche.

Arrivé au deuxième reposoire, on procédait de la même manière. Pendant toute la durée de procession, les cloches carillonnaient continuellement jusqu'à la rentrée à l'église pour une dernière bénédiction. Le tout se terminait vers midi. Pendant les années 40, le Père Médard Daigle, c.s.c., a filmé en couleurs, différents groupes tout le long du parcours. Ce film est conservé au Centre d'Etudes Acadiennes à l'Université de Moncton rappelle à ceux qui ont eu l'occasion de le voir, les belles cérémonies religieuses qui se déroulaient dans la paroisse. Ces cérémonies à cause de la grandeur de la paroisse avec une population de plus de 3,500 personnes en plus des élèves et du personnel du collège, des religieux et des religieuses, les filles du couvent et leurs religieuses, formant une foule de presque 4,000 personnes. La procession de la Fête-Dieu à Memramcook n'était dépassée nulle part ailleurs dans nos campagnes par le nombre qui y prenait part et l'on pourrait dire par la piété manifestée et déployée tout le long de cette cérémonie. Après la fermeture du collège et le transfert de L'Université à Moncton en 1965, la dernière procession solennelle eut lieu en 1966. C'est le père Guy Léger (ce père Léger ordonné prêtre à Rome après avoir obtenu une licence en théologie est maintenant chancelier du diocèse de Yarmouth, N.-E. et en même temps curé de Buttes Amirault) c.s.c., le dernier fils de la paroisse à être ordonné prêtre (le 42ième) alors un des vicaires à la paroisse, qui a célébré la grande messe et qui a porté l'ostensoir.

LE CONGRES EUCHARISTIQUE

Du 5 au 8 septembre 1946, le premier congrès eucharistique régional regroupant une douzaine de paroisses de l'archidiocèse se tint à Memramcook. Les cérémonies se déroulèrent dans un décor grandiose au terrain de jeux de l'Université Saint-Joseph, où l'on éleva un magnifique reposoir, tout blanc, réplique de l'église de Grand-Pré. L'ouverture se fit le 5 au soir et le T. S. Sacrement resta exposé jusqu'au dimanche soir le 8 septembre. Le jour et toute la soirée jusqu'àprès les [42] messes de minuit en plein air, le T. S. Sacrement était au reposoir puis transportait à l'église ou la foule continuait l'adoration jusqu'au matin, le congrès se clôtura par une procession aux flambeaux, de 15,000 prsonnes parties de Collège Bridge jusqu'au reposoir. Ce fut un triomphe eucharistique sans précédent dans les Maritimes ce qui a certainement produit de grandes grâces. (Extrait du livre, les Saintes croix en Acadie] [43]

LA VEILLEE DES MORTS - LES ENTERREMENTS

Autrefois, dans nos campagnes, lorsqu'un décès survenait dans une famille, comme le métier d'entrepreneur de pompes funèbres n'existait pas, il incombait à des voisins ou à des voisines selon le cas, d'ensevelir la personnes qui venait de mourir. Dans certains villages, il arrivait qu'une ou deux personnes, sans être garde-malade, étaient reconnues pour leur bonne volonté de soigner les agonisants et de les préparer à la mort et de les ensevelir après leur trépas. Après l'ensevelissement, la personne décédée était exposée dans le salon ou la grande chambre de sa demeure. On demandait à un charpentier de faire un cerceuil de pin ordinairement doublé de coton noir, pour une grande personne et en coton blanc s'il s'agissait d'un enfant.

Ordinairement, on veillait le mort ou la morte pendant deux jours ou deux nuits. Les voisins, les parents et les amis venaient passer la nuit pendant laquelle on récitait le chapelet plusieurs fois. Après la mort, quelqu'un de la famille se rendait faire les arrangements pour la journée des funérailles.

C'était alors la coutume de sonner le glas pour annoncer un décès. La cloche tintait 7 fois pour une femme, 9 fois pour un homme. Après quoi, les cloches se mettaient en branle et sonnaient pendant quelques minutes; ceci se répétait trois fois. Le matin de l'enterrement à l'arrivée du cortège funèbre, la cloche tintait de nouveau et les 3 cloches sonnaient jusqu'à l'entrée du cerceuil dans l'église. De même à la fin du service, la cloche tintait 7 fois ou 9 fois dépendant et les 3 cloches sonnaient à toute volée accompagnaient ainsi le défunt jusqu'au cimetière.

Le service funèbre était ordinairement chanté deux jours après le décès et les enterrements avaient presque toujours lieu le matin. A Memramcook, le service de première classe était chanté par le curé, assisté d'un diacre et d'un sous diacre. Avant la première guerre, pendant un certain temps, si un pauvre venait à mourir, on sonnait seulement une cloche et le service était chanté par seulement un prêtre. Plus tard, une association fut formée, qui assurait à tous le glas de 3 cloches et un service de première classe, pauvre ou riche. Heureusement, cette distinction est disparue une fois pour toute.

Le matin des funérailles, puisqu'à l'époque, il n'y avait pas de corbillard (hearse) le mort était transporté dans un "wagon express", en traîneau pendant l'hiver. Les parents et amis suivaient le cortège de la maison à l'église. Après le service et un dernier "libers", les porteurs amenaient le cercueil jusqu'au cimetière beau temps, mauvais temps, hiver ou été et le descendaient dans la fosse nouvellement creusée. L'officiant qui était précédé de la croix portée par un servant récitait une dernière prière en aspergeant le cercueil. La cérémonie terminée, les fossoyeurs commencaient immédiatement à jeter la terre pour remplir la fosse. Dans certaines paroisses, les parents et amis ramassaient chacun une poignée de terre et la jetaient sur le cercueil. Ce geste symbolique signifiait dans sa simplicité, que le dernier service que l'on peut rendre à une être aimé est de voir que son corps soit enterré et non laissé à la merci [44] des éléments.

Avant le renouveau liturgique, les offices religieux, la messe, les Vêpres étaient dits ou chantés en latin, la langue de l'église. Après le Concile de Vatican II, la langue du peuple devint l'usage, c'est-à-dire que les messes et autres offices seraient dits ou chantés dans la langue du pays, français, anglais, etc ...

II en est de même pour le service funèbre qui, comme on le sait, était chanté en latin, dans une église, où tout était en noir les ornements sacerdotaux de même que les autels, le drap mortuaire. La liturgie romaine des funérailles est désormais empreinte d'une joie sereine qui fait heureusement oubier les terribles "Dies Irae" d'autrefois. L'officiant est revêtu de blanc. A cet égard, on trouve dans le feuillet paroissial de Memramcook du 14 mars 1976 ce qui suit: Liturgie des défunts: "Drap mortuaire. Depuis plus d'un an, le comité liturgique avait décidé de remettre en usage, la coutume de recouvrir le cercueil dans l'église lors des funérailles. Nous avons discontinué cet usage il y a environ 10 ans quand le blanc avait remplacé le noir comme couleur liturgique des funérailles. Nous remettons donc le voile mortuaire mais cette fois de couleur blanche. Le voile sera posé à l'entrée dans la tour de l'église et enlevé au même endroit lors de la sortie afin que tous, riches ou pauvres, au moins à l'église soient égaux. Cette mesure est la première d'une étude sur notre façon de marquer les funérailles chrétiennes".

Lors de la première guerre, Max Melanson, acheta un corbillard dans lequel les morts étaient transportés de la maison à l'église. Peu de temps après, Sylvain et Edouard Léger, se portèrent acquéreurs de ce corbillard sur lequel on attelait une paire de chevaux noirs. L'hiver, le corbillard était monté sur un traîneau. Madame Edouard Léger (Marie Landry) obtint son diplôme d'embaumeur en février 1938. C'est [45] probablement la seule acadienne de la province qui ait obtenu cette distinction à l'époque. A partir de ce temps, les morts étaient embaumés et ensevelis mais étaient toujours exposés dans leur maison. Le 15 décembre 1963, Dollard Dupuis, gradué en Sciences Mortuaires et licencié pour le Nouveau-Brunswick, prit la succession d'Edouard Léger et ouvrit le salon funéraire Dupuis à Memramcook. Comme les chemins sont ouverts à l'année, une auto corbillard des plus modernes transporte maintenant les morts du salon à l'église.

LES PETITES SOEURS DE LA SAINTE-FAMILLE

Le 15 juin 1980, était fêté à Memramcook, un centenaire important. La paroisse de St-Thomas de Memramcook et les religieux de SainteCroix en Acadie saluaient le Centenaire de fondation des Petites Soeurs de la Ste-Famille à Memramcook le 31 mai 1880. En septembre 1874, mère Marie-Léonie, qui était entrée au couvent des marianistes de Sainte-Croix à Saint-Laurent et admise à la profession religieuse en 1857 fut appelée à Memramcook par le Père Camille Lefebvre, c.s.c., pour diriger les jeunes acadiennes au service du collège; c'est là qu'elle fonda en 1880 son Institut des Petites Soeurs de la Sainte-Famille vouée au service des prêtres. Après la mort du co-fondateur, le père Lefebvre en janvier 1895, mère Marie-Léonie était toujours à la recherche d'un évêque qui approuverait officiellement sa communauté naissante. Elle rencontra l'évêque Mgr. Sweeney de Saint-Jean qui lui refuse son approbation. C'est Mgr. Paul Larocque, évêque de Sherbrooke qui, la même année accueille la jeune communauté dans son diocèse. Malgré tout, la communauté est restée au Nouveau-Brunswick, au service du collège St-Joseph jusqu'à sa fermeture en 1966. [46]

Voici un extrait du bulletin paroissiale de la paroisse de Memramcook du 11 août 1968:

"Nous sommes très heureux d'accueillir quatre petites soeurs de la Sainte-Famille qui seront désormais à notre service au presbytère et à l'église. Cette communauté est bien connue des paroissiens pour avoir été fondée ici même, à St-Joseph où elle s'est dépensée au service des religieux de Ste-Croix durant près d'un siècle. La fermeture du collège les avait obligé de se retirer ailleurs. Mais par une grâce insigne de la divine Providence, elle reviennent à notre service ici-même.

Nous les accueillons de tout coeur, leur souhaitant bonheur dans notre milieu et leur assurons la sympathie de tous les paroissiens de Memramcook".

Le bulletin paroissial du 30 décembre 1979 annoncait le centenaire des Soeurs de la Sainte-Famille en 1980, comme un événement particulier pour elles et toutes les personnes qui ont bénéficié de leur dévouement à travers les années. En effet, ce fut le centenaire de leur fondation le 31 mai 1980. Pour nous à Memramcook, nous considérons 1874 comme date de fondation avec l'arrivée de Mère Marie-Léonie au Collège.

A travers les années, 72 filles de la Vallée se sont données à cette communauté. Nous aurons l'occasion au printemps de fêter mère Marie-Léonie et ses filles dont nous apprécions tellement les services et les prières.

Le bulletin paroissial du 2 mars 1980 rapporte qu'à une réunion annuelle des paroissiens, il a été annoncé que Memramcook fêtera le centenaire de fondation de l'Institut des Petites Soeurs de la SainteFamille le 15 juin. Partout où les Petites Soeurs oeuvrent, c'est présentement une année de célébration ... et avec raison. Memramcook, comme berceau de la communauté désire apporter sa contribution aux fêtes. Les Religieux de Sainte-Croix en Acadie veulent aussi se joindre à la fête pour remercier mère Marie-Léonie et ses filles spirituelles qui les ont si bien épaulés dans leur apostolat. L'Evangéline du 16 juin donne le compte rendu suivant:

"Les célébrations du centenaire de fondation des Petites Soeurs de la Sainte-Famille se sont déroulées tel que prévoyait le programme. Huit ou neuf cents personnes assistaient à la messe concélébrée en l'église St-Thomas de Memramcook par S.E. Mgr. Donat Chiasson, archevêque de Moncton. II y avait une quinzaine de prêtres et des frères de la Congrégation SainteCroix. La manifestation du Centenaire était sous les auspices de la paroisse Saint-Thomas et les Religieux de Sainte-Croix."

Cent ans après la fondation, la communauté d'origine acadienne compte 787 membres vivants, soit 773 professes, 7 novices et 7 postulantes. Tout ce monde assure l'entretien de 74 maisons réparties au Canada, aux Etats-Unis, à Rome et au Honduras, en Amérique Centrale. En honorant les fiers services rendus par les soeurs de mère Marie-Léonie en Acadie [47] et dans le monde pendant 100 ans, les trois paroisses de la vallée de Memramcook veulent saluer les 76 religieuses qui sont nées chez-nous et qui ont oeuvré dans l'Institut de la Sainte-Famille. Le souvenir de la fondatrice mère Marie-Léonie sera aussi ravivé auprès de ses nouveaux amis qui continuent de se confier à son intercession. Sa réputation de sainte s'affermit parmi les paroissiens et dans les environs. D'ailleurs sa cause de béatification est introduite à Rome et de nombreuses faveurs obtenues par son intercession sont accueillies chaque jour au Centre Marie-Léonie à Sherbrooke. Soeur Juliette Saint-Pierre, supérieure générale et son conseil, assistaient à ces fêtes. II y eut aussi présentation d'un film "Les Servantes du Bon Dieu" au monument Lefebvre en présence de 300 à 400 personnes. La paroisse a ainsi rendu hommage à cette communauté qui vit le jour dans son sein, il y a 100 ans.

Le premier conseil général des Religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur, 1924.

Le conseil géneral actuel des Religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur, 1984.

LES RELIGIEUSES NOTRE-DAME DU SACRE-COEUR

Jusqu'en 1924, à travers toute l'Acadie, la congrégation anglaise des Soeurs de la Charité, recrutent en grand nombre, des jeunes acadiennes. A cette date, par une entente très cordiale, les religieuses acadiennes s'unirent dans une nouvelle communauté. Les Religieuses de Notre-Dame du Sacré-Coeur. La maison mère, le noviciat et le postulat fut établi à St-Joseph. Désormais, elles remplacèrent les Soeurs de la Charité qui avaient enseigné dans le couvent de St-Joseph depuis 1879 ainsi qu'ailleurs dans les autres centres acadiens. [48]

LES SOEURS DE LA CHARITE

Le Père Philéas Bourgeois dans son livre "La vie de l'abbé F.X. Lafrance" écrit ce qui suit:

"M. Lafrance avait essayé d'ériger un couvent pour les jeunes personnes de sa paroisse; mais la construction inachevée en avait été forcément interrompue à la fermeture de son séminaire. Le Père Lefebvre reprit en sous-oeuvre le projet de son prédécesseur. En 1868, il ouvrait son école aux jeunes filles dans une maison particulière. L'année suivante, ayant fait venir du Canada une maîtresse diplomée, il transporta l'école dans le haut de la sacristie. Toute la paroisse alors s'enthousiasma pour un couvent, dont la charpente fut instamment montée, avec accompagnement de réjouissances publiques, tel que cela se pratiquait autrefois en France et dans la vieille Acadie. Un ouragan la fracassa durant la nuit. Tenaces, pasteur et paroissiens se réunirent le dimanche suivant et ceux-ci souscrivirent, séance tenante, $1,000.00 pour l'érection d'un couvent plus grand que le premier. "C'est, disaient-ils, parce qu'il n'était pas convenable que le vent l'a renversé." Au mois de septembre de l'année suivante (1871), la maison était terminée et prête à recevoir les élèves. Le Père Lefebvre voulait en donner la direction aux Soeurs de la Congrégation de Sainte-Croix, mais Sa Grandeur Mgr Sweeney y préféra mettre les Soeurs de la Charité, communauté nouvellement fondée par l'épiscopat des provinces maritimes. Soeur Rosalie en fut la première supérieure. Cette institution, le couvent Notre-Dame du Sacré-Coeur, inaugurée le 15 octobre 1873, complétait à Memramcook l'institution nationale du Collège St-Joseph. Elle est aujourd'hui prospère et sous la présente direction spirituelle du R. P. [49] LeBlanc, elle peut compter sur la confiance des parents, assurée qu'elle est de la protection de Dieu."

En 1880, à la demande du Père F.X.J. Michaud, curé de Bouctouche, les Soeurs de la Charité de Saint-Jean assument la charge qu'il venait de construire dans sa paroisse. Les soeurs verront a l'enseignement des jeunes filles en y ouvrant un pensionnat. Les jeune filles et les jeunes garçons du village seront des externes. Ce couvent. connu sous le nom de Couvent de l'Immaculée-Conception, sera donc dirigé par les Soeurs de la Charité jusqu'en 1924. A partir de cette année 1924, les Religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur enseigneront les jeunes acadiennes de la région et cet oeuvre acquit la réputation d'un foyer de culture féminine. En 1965, le couvent ferme ses portes. Depuis 1969, il est devenu un musée qui attire un grand nombre de visiteurs surtout pendant la belle saison. En 1888, les Soeurs de la Charité ont leur couvent à Shédiac et enseignent aux enfants de cette petite ville.

En 1916, l'abbé Alban Robichaud, curé de Saint-Anselme, fit bâtir un couvent, tout prêt de l'église et le 17 août 1916, les Soeurs de la Charité de Saint-Jean prennent possession du couvent Notre-Dame de Lourdes. Ce couvent était à la fois un pensionnat et un externat. Plus tard, en 1923, les Soeurs de la Charité ont leur couvent au Petit Rocher.

Voilà où en était les choses en 1923. Les Soeurs de la Charité enseignaient dans les couvents de St-Joseph, Bouctouche, St-Anselme et dans les écoles à Shédiac et au Petit Rocher. La grande majorité de ces soeurs enseignantes étaient des acadiennes qui dispensaient de leur savoir à des jeunes acadiens et acadiennes de nos centres acadiens de la province. L'Evangéline du mardi, 21 septembre 1982 rapporte ce qui suit en parlant des fêtes paroissiales de Bathurst Est et des religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur qui sont là depuis 1942.

"Avant qu'on en dise davantage, permettez que soit retracé l'origine de cette congrégation. En un mot, qui sont ces religieuses si heureuses d'être parmi vous aujourd'hui? En réalité, elles sont une branche détachée d'un autre arbre, celui de la Congrégation des Soeurs de la Charité de Saint-Jean, N.-B. En 1871, deux ans avant la fondation du Couvent de Memramcook, un événement providentiel est survenu pour nous dans cette Communauté des Soeurs de la Charité; l'entrée au noviciat de Suzanne Cyr, originaire de Saint-Basile, N.-B. C'est elle qui vit dès 1908 probablement, la nécessité de grouper des religieuses de langue française de sa communauté pour qu'elles puissent plus adéquatement servir les acadiens dans leurs milieux respectifs. Elle songea d'abord à un noviciat, puis à une province. Finalement, sous la poussée des événements, (Mgr Arthur Melanson, en 1922, fondait à Campbellton, les Filles de Marie de l'Assomption, première communauté acadienne), elle comprit qu'il fallait fonder une congrégation tout à fait différente. Elle eut le support de Monseigneur Edouard LeBlanc, évêque de Saint-Jean, N.-B., ainsi que cinquante-deux compagnes religieuses qui ensemble risquèrent l'aventure d'une nouvelle [50] fondation. La demande fut introduite à Rome en 1922 et l'approbation accordée en 1924. Notre communauté, qu'on appelle les Religieuses de Notre-Dame du Sacré-Coeur, existe donc depuis le 17 février de cette année là. La Maison-mère fut établie à Memramcook (St-Joseph) où étaient les Soeurs de la Charité depuis 1873."

La paroisse de Memramcook voyait donc en cette date du 17 février 1924, la fondation d'une deuxième communauté. D'après les notes de Soeur Marie Dorothée, la date officielle de la fondation avait été fixée au 17 février. C'était un dimanche. A 7 heures du matin, Mgr LeBlanc célébra la messe puis, après le déjeuner, on procéda à l'érection du premier Conseil Général. Soeur Marie-Anne (Suzanne Cyr) fut élue supérieure, Soeur Marie-Thérèse, première assistante, Soeur Marie-Rosalie, deuxième assistante, Soeur Marie-Andréa, troisième assistante et Soeur Marie-Céline, quatrième assistante. Soeur Marie-Julie, fut élue économe et Soeur Marie-Andréa, secrétaire. Pendant ce temps, le Père Lecavalier, curé de la paroisse, s'occupait de son ministère paroissial, mais il pensait assurément au groupe de religieuses qui pendant qu'il célébrait, se formait en communauté. Après la messe, il invita donc ses paroissiens à se rendre à la salle du couvent pour saluer les Religieuses de Notre-Dame du Sacré-Coeur. Alfred (à Jude) LeBlanc, franc patriote et bon directeur de chorale, entonna l'Ave Maris Stella. Les paroles et la voix s'étouffèrent dans la gorge de plusieurs soeurs, tant elles étaient émues, mais l'hyme fut quand même chanté avec force jusqu'au bout.

N.B. J'ai eu le bonheur d'être parmi les nombreux paroissiens à cette occasion du dimanche, le 17 février 1924, alors que la nouvelle communauté acadienne N.D.S.C. était officiellement fondée avec 53 religieuses.

Dès le lendemain matin, les curieux purent voir à Memramcook, Shédiac, Bouctouche, Saint-Anselme, Petit Rocher et Moncton, des soeurs vêtues un peu différemment que de coutume. Leur style de vie et leur apostolat restaient sensiblement pareil. Elles récitaient en français, à peu près aux mêmes heures, les prières que leurs consoeurs de Saint-Jean récitaient en anglais. C'était en somme un besoin local qui les avait séparés physiquement. En réalité, toutes restaient des femmes consacrées au Seigneur selon les modalités d'apostolat de Saint-Vincent de Paul, de Sainte-Elisabeth Seton, de Mgr Connolly et de Mère Vincent. La fondation de Mère Marie-Anne venait tout simplement de faire surgir une nouvelle branche toujours sur le même tronc.

A partir de cette date, du 17 février 1924, cette nouvelle congrégation a prit un essor qui mérite d'être souligné. D'années en années, un bon nombre de jeunes acadiennes furent acceptées comme. postulantes pour devenir après leur noviciat, des religieuses qui ne fourniront pas à répondre aux demandes qui leur étaient faites d'aller enseigner dans nos centres acadiens.

A St-Joseph, la Maison-mère, le couvent abritait les postulantes les novices et les religieuses qui se dépensaient à l'enseignement des pensionnaires et de quelques externes de la paroisse. [51]

Voici d'autres notes concernant le pensionnat de Saint-Joseph où on y comptait qu'une cinquantaine de pensionnaires durant la crise économique des années 30, mais en 1939 arrive la deuxième guerre et voilà que l'on trouve jusqu'à 250 pensionnaires. L'édifice qui avait été agrandi plusieurs fois et qui abrite les religieuses, postulantes et novices, et élèves est devenu évidemment trop petit et pour combler à ce manque d'espace, les religieuses font l'achat de deux propriétés voisines du couvent et y logent les élèves de la 11ième année. En 1943, Soeur Jeanne de Valois ouvre la première classe d'enseignement classique. En juin 1947, mesdemoiselles Alphonsine Després et Antoinette Léger (cette dernière de la paroisse de Memramcook) sont les deux premières â mériter le baccalauréat ès arts, 46 jeunes acadiennes du NouveauBrunswick, de la Nouvelle-Ecosse, et du Québec ayant complété avec succès leur "High School" et 9 leurs cours commercial, probablement ie plus grand nombre de jeunes filles sur le théâtre dans le Monument Lefebvre ce 17 juin 1947, à recevoir leur diplôme.

En 1959, le Collège Notre-Dame d'Acadie ouvre ses portes à Moncton. On y dispense l'enseignement classique, secondaire et commercial à plus de sept cents jeunes filles pensionnaires et externes. La réforme du système d'éducation entraîne en 1965 la fermeture de ce collège.

Quant au couvent de Saint-Joseph, il n'existe plus depuis 1970, alors qu'il ferma ses portes après 97 ans d'existence. Peu après, il fut démoli et de nos jours, sur le site de l'ancien couvent, on y trouve le foyer Saint-Thomas, foyer de 22 appartements pour citoyens et citoyennes d'âge d'or.

La Soeur Thérèse Vautour, n.d.s.c., écrit dans l'Information de septembr